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Chronique Kipik : malheur à celui qui ne sait pas s'adapter

Chronique Kipik : malheur à celui qui ne sait pas s'adapter 0001

Je l'ai déjà dit, mais on ne le dira jamais assez : les problématiques de fold equity (FE), c'est à dire le fait de pousser son tapis pour faire coucher son adversaire, sont la clé du poker de tournoi.

Non pas qu'elle n'existe pas en cash game ; mais, si gagner les blindes préflop est un bonus intéressant, ça n'y est jamais l'objectif principal. En tournoi, avec des profondeurs de tapis nettement plus faibles, prendre sans résistance les blinds devient une toute autre affaire.

Nous avons vu les deux semaines passées que, avec un tapis de 8 blinds (ou contre un tapis de 8bb), on pouvait pousser n'importe quelle main contre un seul adversaire. Et être rentable, même en jouant sans ante. Seule condition : que notre adversaire ne paie pas plus de 30% du temps (autrement dit : qu'on ait donc une FE de 70%). Ce qui sera, le plus souvent, le cas.

Mais inversons cette fois le raisonnement : vous êtes de Grosse Blinde(BB) et la Petite Blinde (SB) pousse son tapis (ou vous met à tapis pour 8bb). Avec quoi payez-vous ? Posez la question à dix joueurs et vous aurez dix réponses différentes.

Le poker est un univers en perpétuelle évolution

La réponse correcte sera comme souvent au poker : ça dépend.

Avant de réfléchir à la main nécessaire pour payer, il convient d'abord de s'interroger sur la main avec laquelle la SB a fait tapis. Et de calculer la cote du pot. Ici, il faut donc payer 7bb (on en a déjà investi une) pour en gagner 8+1=9. Notre cote est donc de 9:7 (on investit 7 pour gagner 9). Traduit en pourcentages, cela signifie que notre main doit gagner 44% du temps.

Je ne sors pas ces 44% de mon chapeau; le calcul pour convertir une cote (x:y) en pourcentage est : (y*100)/(x+y). Ici, 7*100/(7+9)=43.75%

(nettement plus simple que ça en a l'air, surtout quand, comme c'est souvent le cas, y=1. Il suffit alors de diviser 100 par la somme des deux chiffres. 3:1 = 100/4 = 25% = 1 fois sur 4).

Reste donc à trouver une main qui gagne au moins 44% contre un adversaire qui joue toutes ses mains.

Je vous invite à faire des essais avec PokerStove (cliquez sur le bouton « RD » pour obtenir un range de 100%), vous risquez d'avoir quelques surprises. J2, 102, 105, 95, 96, 85, 87, 76 … toutes ces mains ont une équité supérieure à 44% contre une main aléatoire et remplissent donc notre critère de rentabilité. Au final, cela représente 70% des mains. Mathématiquement, on peut donc payer ici avec 70% des mains… et être toujours gagnant.

Mais… mon adversaire est bien-voyant…

Le problème de cette réflexion, c'est de partir du principe que notre adversaire a fait tapis 100% du temps (en aveugle, donc). Or, beaucoup de joueurs auront du mal à le faire. La plupart va s'imposer un minimum qualitatif. Et certains joueurs sont juste incapables d'ouvrir vraiment leur jeu.

Examinons quelles sont les mains minimum nécessaires (qui gagnent donc au moins 44% du temps) pour payer le tapis de notre adversaire selon sa hand range (sur PokerStove, il vous suffit d'entrer le pourcentage voulu dans la ligne d'un joueur):

S'il fait tapis 70% du temps, on peut payer au minimum avec Q6o+ J6s+ J8o+ T7s+ T9o 98s (soit 48% des mains)

50% du temps : K6o Q8s+ Q9o+ J9s+ JTo T9s (36%)

30% du temps : K9s+ KTo+ QTs+ QJo (26%)

20% du temps : 44+ A4s+ A9o+ KTs+ KJo+ (15%)

À la question "avec quoi payer", la seule réponse acceptable est la question « avec quoi pousse-t-il ? ». Notre range de call est totalement dépendante des mains avec lesquelles il est susceptible de faire tapis. De la même façon que la hand range pour envoyer ses jetons est fonction de celle qui paie.

Mathématiquement, on peut déterminer un seuil d'équilibre qui donnera pour chaque joueur un range contre lequel son adversaire ne peut être gagnant. Seulement au mieux « pas perdant ». Ce qu'on appelle un jeu inexploitable : quoi que fasse votre adversaire, il ne peut être gagnant. Ça dépasse un peu le cadre de cet article mais le fait que de telles situations existent est intéressant à noter.

Plus simplement (pour l'instant), essayez de garder à l'esprit, et de l'appliquer ensuite, que vous serez gagnant en payant juste avec une hand range un peu meilleure que celle sur laquelle vous mettez votre adversaire. S'il push :6c :6d, s :9h, :Kd :8d ou :Js :9s (des mains du top 20%), payez avec :7h :7d, c :Ts, :Kh :9h ou :Jd :Td (des mains du top 15%).

Note : ce n'est pas absolument correct mathématiquement. Mais ça me semble déjà un bon début pour commencer à raisonner en terme de hand range.

Les joueurs ne savent pas adapter leur range de call.

Ou les joueurs paient trop large. Ou, inversement, ils ne sont pas capables de payer avec une range assez large. Une main n'est pas bonne dans l'absolue (à l'exception évidente de la paire d'As préflop). Mais, selon la situation dans laquelle on est impliqué.

Note (encore) : il existe évidemment des joueurs capables de s'adapter parfaitement. Mais, à moins de jouer des SNG à gros buy-in, partez du principe que vos adversaires n'en sont pas capables.

Si vous pensez, par exemple, que votre adversaire peut pousser 8bb avec 70% de ses mains mais décidez de ne pas payer avec Q8, vous commettez une erreur. Vous vous intéressez trop à votre main. Et pas assez à la situation en cours. Vous lui faites donc cadeau d'une fold equity que la taille de son tapis ne mérite pas. Et vous perdez de l'argent (enfin, des jetons).

Certes, quand vous payez avec Q8, votre gain ne sera jamais énorme. C'est en tout cas l'impression qu'on peut avoir. Parce que, au final, Q8 contre un joueur qui pousse 70% de ses mains, c'est une situation plus favorable que de payer avec 22 si votre adversaire vous montre AK. La plupart des joueurs n'hésiteraient pas à faire le second call (22 contre AK). Mais se révèlent extrêmement hésitant à faire le premier (Q8 contre 70%).

Notre cerveau nous joue un nouveau tour

C'est toute la difficulté de réfléchir en terme de hand range plutôt qu'en terme de mains. Notre cerveau n'a aucun mal à figurer très exactement le résultat entre 22 et AK (légèrement plus de 50%). Mais peine à visualiser réellement Q8 contre 70% des mains (0,5% de mieux).

Ce « disfonctionnement » du cerveau nous amène à surestimer certaines situations faciles à concevoir. Et, inversement, à sous-estimer certaines situations favorables. N'arrivant pas réellement à « visualiser » ces situations, il les classe dans la catégorie à risques. Ou, en tout cas, peu intéressantes : la peur de l'inconnu.

Maintenant, c'est ceinture !

Ces ranges de call étant assez délicates à manipuler, on peut facilement exploiter nos adversaires. Et certains adversaires sont de vraies mines d'argent facile tellement ils ne sont pas capables de s'adapter.

Vos cibles de choix étant les joueurs beaucoup trop serrés, trop attentifs à leur main et réfractaires à la prise de risques (ceux qui ne paieront jamais avec Q8 parce que « eh ! c'est une poubelle cette main »). Ou, inversement, ceux prêts à prendre le moindre gamble parce que c'est pas « trop » cher (la définition exacte du « trop » étant laissé à l'appréciation de chacun mais on trouve de joyeux phénomènes en la matière)

Si vous pensez que votre adversaire est du genre à payer trop large, resserrez votre range de push (tapis). Tant pis pour la fold equity, de toute façon très faible. Quand vous faites tapis, c'est essentiellement parce que la valeur de votre main est suffisante (par rapport aux mains qui sont susceptibles de vous payer). Vous gagnerez bien plus en manipulant votre hand range de sorte qu'elle soit un cran plus resserrée que ce que votre adversaire pense/espère. Mais ne resserrez pas au point où vous devenez, à votre tour, exploitable.

A contrario, s'il se révèle un peu trop serré, il vous fait cadeau de beaucoup trop de fold equity. Et votre intérêt est alors de faire tapis avec le maximum de mains possible. En restant toutefois rentable par rapport à la fold equity disponible.

Et quand il s'agit de payer, faites l'effort de réfléchir au hand range avec lequel votre adversaire a pu faire tapis. Ne prenez pas de décision sur la simple valeur apparente de votre main. A7o peut être un « monstre ». Ou une poubelle. Q9o, une merguez… ou un call gagnant. A vous d'adapter votre range de call en fonction de ce que vous pensez de votre adversaire. Même si la plupart des joueurs est assez stéréotypé, ce n'est pas un exercice facile ; cela nécessite pas mal de pratique. Et de nombreuses erreurs avant d'y arriver. Mais, croyez-moi, ça en vaut largement la peine !

Essayez de visualiser ce genre de situation comme une ceinture… que vous devez régler de façon qu'elle n'aille pas à votre adversaire. Un petit cran en moins pour ceux qui souffrent d'embonpoint. Un petit cran trop lâche pour le filiforme. Ou pour qu'elle vous aille le mieux possible…

Les chiffres ne naissent pas par hasard

On voit souvent des joueurs débattre entre une approche mathématique ou psychologique du poker. Si vous avez suivi mes trois dernières chroniques (félicitation!), vous avez pu constater que tous les calculs s'appuient sur la détermination d'un hand range. Avec quoi il raise? Avec quoi il surelance? Avec quoi il paie? On peut certes répondre à ce genre de question en consultant son tracker. Mais il ne s'agit alors que d'une information brute. Et dont la qualité est extrêmement dépendante du nombre de main jouées contre ce joueur. Sans compter que, même sur un très grand nombre de mains, cela ne vous dira jamais si, aujourd'hui, votre adversaire est complètement en tilt. Ou ivre mort…

Même si vous cherchez à déterminer une hand range en termes mathématiques (10%, 15%, 25%...), vous devez tenir compte de la situation.

Si votre adversaire vient de doubler son tapis, il est peu probable qu'il joue de la même façon que si, au contraire, il vient de perdre une grosse part de son tapis sur un badbeat (et donc, dans notre exemple, qu'il fasse tapis ou paie avec le même hand range).

De même, même des joueurs très médiocres vont agir différemment selon que vous avez joué beaucoup de mains les quinze dernières minutes ou vous êtes illustré par votre capacité à vous coucher. Si vous l'avez empêché de limper sa SB l'orbite précédente, croyez-vous qu'il fasse tapis avec les mêmes mains que si vous l'avez laissé faire trois fois de suite ? Et, si vous connaissez un peu votre adversaire, comment réagit-il quand, par exemple, il se retrouve shortstack ? Certains joueurs très serrés peuvent devenir de vrais maniaques quand ils ont moins de 10 (ou 15) blindes. Et d'autres, généralement agressifs, peuvent au contraire resserrer leur jeu à l'extrême.

Tous ces facteurs psychologiques, situationnels, humains sont à prendre en compte quand vous devez déterminer un hand range. Opposer mathématique et psychologie est pour moi une erreur. Une bonne compréhension des joueurs, des situations, peut vous amener à trouver de la valeur mathématique là où on ne s'y attend pas. Ou l'inverse. Les deux coexistent en permanence, se nourrissant et s'enrichissant l'un l'autre. Et le meilleur joueur sera toujours celui qui parvient le mieux à exploiter l'un comme l'autre.

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