Kipik Poker : l'information est le nerf de la guerre
Sur un tournoi, comme faire face à un adversaire sur lequel on ne sait rien ? Comment envisager de shove/reshove sur des joueurs dont les tendances nous sont complètement inconnues ? Voici quelques astuces signées Kipik pour vous aider.
Une discussion intéressante, il y a quelques jours, avec un très bon joueur de cash game, s’est achevé sur un débat intéressant des «talents» nécessaires à chaque exercice. Son idée, ce qui lui manque le plus à son avis, et ce qui différencie le plus un bon joueur de tournoi d’un joueur moyen, est la capacité à prendre des décisions très importantes pour votre tapis avec un minimum d’information.
De l'inutilité du tracker
En tournoi, les situations sont innombrables où il vous faut prendre une décision pour l’ensemble de votre tapis sans quasiment rien savoir de votre adversaire. Avec la valse des tables qui cassent et des joueurs qui sont déplacés, avoir une bonne connaissance du jeu de tel ou tel adversaire est en fait plutôt l’exception qu’autre chose. En particulier si vous jouez des tournois à petit buy-in, aux fields gigantesques.
Même si vous vous servez d’un tracker pour augmenter votre niveau d’information, celui-ci n’aura le plus souvent que quelques dizaines de mains sur chaque adversaire. Autant dire des échantillons sans aucune valeur statistique. Il suffit qu’un joueur ait eu un petit rush, comme trois bonnes mains de suite, pour fausser toutes vos statistiques sur le peu de temps que vous jouerez ensuite.
Le doit à l’erreur : la profondeur de tapis
Évidemment, la différence de profondeur avec le Cash Game simplifie beaucoup la tâche des joueurs de tournoi. Certes, on perd potentiellement toute chance de gain quand notre décision de reshove avec Q♣9♣ un joueur inconnu se heurte au monstre d’un adversaire plus serré qu’on l’imaginait, mais l’erreur en terme d’EV sera toujours moins grave qui si vous décidiez de jouer une cave de 100bb sur une nouvelle table de cash. Chose, d’ailleurs, que vous ne faites probablement jamais (j’espère !).
Si on doit être prêt à s’impliquer totalement avec un minimum d’information, on le fait aussi pour des profondeurs de tapis qui limitent la gravité de l’erreur quand notre lecture est erronée. Une autre façon de le dire est que notre profondeur nous autorise à faire des erreurs. Et, donc, à prendre des risques.
C’est toute la différence avec l’approche originelle du jeu en tournoi qui préconisait survie et absence maximale de risque. Le poker de tournoi actuel reconnaît à sa juste valeur la prise de risques et accepte que cela aboutit inévitablement à commettre des erreurs.
Cela implique de se retrouver devant des situations délicates. Comme faire face à un adversaire sur lequel on ne sait rien. Ou à envisager de shove/reshove sur des joueurs dont les tendances nous sont complètement inconnues. Autant de situations marginales, face auxquelles il faudra prendre une décision majeure en se basant sur un minimum d’informations.
A ce petit jeu, certains sont nettement meilleurs que d’autres. Mais, heureusement, il existe quelques astuces pour vous aider.
Le fait est qu’on dispose, en fait, de bien plus d’informations qu’on le croit.
Dis-moi qui tu es : du pseudo à la nationalité
Rien que le pseudonyme d’un joueur est déjà une source d’information. S’il s’agit, par exemple, d’une allusion au poker, comme IsuckPlzMuck, alors vous êtes probablement en face d’un joueur habitué à fréquenter les forums spécialisés. Et donc relativement conscient de ce qu’il fait. S’il relance de façon standard en milieu de parole alors que son tapis ne le permet pas vraiment, partez du principe qu’il a une main avec laquelle il ira au bout parce qu’elle le vaut. Laissez donc tomber toute idée de lui envoyer votre tapis au visage avec votre poubelle.
D’autres pseudos sont aussi révélateurs. Ceux avec de grands nombres sans signification (ou une année de naissance) sont généralement de mauvais joueurs. A l’inverse, un nombre comme «420» sera plus souvent le signe d’un bon joueur, ou au moins d’un joueur qui n’aura pas peur de prendre un (bon) gamble. Toute allusion sportive laisse espérer qu’on fait face à un bon donkey comme on les aime.
Il ne s’agit évidemment pas d’une science exacte. Un bon joueur peut chercher à «se masquer» derrière un pseudo trompeur. Il peut aussi tout simplement avoir énormément progressé depuis le temps qu’il joue mais avoir conservé son pseudo d’origine, quand il avait débarqué alors que le poker online explosait. Dans tous les cas, soyez extrêmement prudent avec ce genre d’information (en particulier les nombres). Mais n’oubliez pas qu’elle existe. Et que c’est toujours mieux que rien…
Quoi qu’il en soit, pour beaucoup de joueurs, le pseudonyme est assez révélateur de leur personnalité. Ou, en tout cas, de la perception qu’ils en ont…
Dans le même genre, la nationalité peut aussi être une source d’information. Encore une fois, très incomplète. Mais vous verrez par exemple bien plus de brésiliens LAG (jeu large) que TAG (jeu serré). Et vous pouvez vous attendre au pire de Français inconnus, généralement ou beaucoup trop serrés, ou totalement maniaques.
L’image utilisée en «avatar» est aussi source d’information. L’avatar du cow-boy, sur Full Tilt, est ainsi souvent assimilé aux pires attardés qui soient…
Dans le doute, faites une enquête
Le pseudo de votre adversaire vous permet aussi de faire une recherche sur les sites de rankings. Expliquer comment bien se servir de la tonne d’information que chacun de ces sites met à votre disposition prendrait plus d’une chronique. Et un très bon sujet sur le forum donne déjà les bases nécessaires.
Au minimum, vous allez pouvoir déterminer s’il s’agit d’un joueur gagnant ou perdant, régulier ou occasionnel. De même, soyez attentif au buy-in : les choses seront très différentes selon qu’il joue à son niveau habituel et, donc, évolue dans sa zone de confort, ou tente un «shoot» et sera donc plus serré et plus exploitable. Vous pouvez aussi vous intéresser à ses résultats récents : s’il est dans une bonne passe, avec un gros gain, il ne jouera probablement pas de la même façon que s’il vient d’enchaîner 200 tournois sans résultat. Et cette information aura d’autant plus de poids que vous serez avancé dans le tournoi.
Les statistiques données sur le joueur vont aussi vous donner une indication de son style de jeu. Un joueur avec un très faible pourcentage de places payées (ITM) mais de bons, gros, résultats est probablement agressif, capable de bons moves et de pushes/calls light. Si, au contraire, il affiche beaucoup de places payées mais des résultats mitigés, le plus probable est qu’il soit très serré et joue « ses cartes ».
J’insiste sur l’aspect «dangereux» de certaines de ces informations. Sur leur incertitude. Le pseudo peut ne vouloir rien dire. Il existe des Brésiliens serrés. Et même la serrure la mieux cadenassée peut jouer en tilt, complètement ivre, ou avoir prêté son compte à un ami, copine, etc. Mais le fait est que ce sont des informations. Dont on dispose avant même que la première carte ne soit distribuée. Et qu’il est important de les intégrer dans notre processus de prise de décision.
Le temps, c’est de l’équité
Le timing est aussi une source d’information. Beaucoup de joueurs laissent transparaître des informations par la vitesse à laquelle ils réagissent.
Si le site sur lequel vous jouez vous permet de savoir dans combien de parties votre adversaire est impliqué, vous pourrez affiner votre lecture. Moins il y en a, plus la partie en cours l’intéresse. Et plus son «timing» sera révélateur. Pour autant, même un gros multitableur peut se trahir : on a beau jouer 6 ou 10 tables, il est naturel que l’attention soit plus forte sur la table où on reçoit AA plutôt que sur celles où les poubelles s’enchaînent.
Une surelance à tapis très rapide sera ainsi plus souvent AJ ou mieux que 66 ou QQ. On a naturellement plus tendance à réfléchir avec ses grosses paires. D’abord parce qu’on souhaite être payé quand on a K♦K♠ alors qu’on préfère autant que possible ne pas voir le flop quand on n’a «que» un gros As. Ensuite parce qu’on envisage plus facilement des scénarios moins «tout ou rien» histoire de piéger notre adversaire et lui prendre plus de jetons.
Dans votre analyse, n’oubliez pas non plus de tenir compte de la situation. Un joueur décent, qui sait sa fold equity très faible et vous envoie son tapis en un clin d’œil aura tout aussi bien Q♣Q♦ ou A♦A♥ que A♠K♣ ou A♥J♥ : il sait que le coup se jouera à fond et qu’il a une main assez forte pour ça, son intérêt est donc de représenter le plus possible une main qui recherche de la fold equity… alors même qu’il n’en existe pas.
Dans la même veine, un joueur qui réfléchit au flop, en dernier de parole, avant de checker, aura très souvent un peu de «value». Rien ne vous empêche de tenter une attaque au tournant mais s’il vous paie, ou pire encore vous relance, n’insistez pas.
Là aussi, bien sûr, ces informations sont à prendre au conditionnel. Mais même de très bons joueurs laissent «transpirer» des différences. Des «tells». A vous d’être assez attentif pour le remarquer. Et assez malin pour l’interpréter correctement…
Décrypter l’information disponible
Supposons par exemple que Vilain soit à votre table depuis seulement 8 mains mais n’en a pas joué une seule. Votre tracker vous donne donc un joli «VPIP 0» et, à première vue, vous allez le considérer comme serré.
Pourtant, ce qui s’est passé lors de ces 8 mains peut apporter une information contraire. S’il a couché sa Petite Blind, le Bouton et le Cutoff alors que le pot n’était pas ouvert et qu’il décide de relancer en milieu de parole, il est probablement en effet serré et sur une main légitime. Agissez en conséquence (en gros, couchez !).
Mais s’il est arrivé en milieu de parole, a trouvé de l’action avant lui quand il était de blinds, au Bouton et au Cutoff, et relance au Hijack la première fois que le pot n’est pas ouvert avant lui, il est par contre très probable qu’il soit juste sur un vol en profitant d’une position correcte. Ici, il faudra être prêt à prendre un risque, quitte à assumer quand, finalement, il sera réellement serré et aura J♣J♦…
Dans les deux cas, l’information évidente est la même : est à la table depuis 8 mains et n’a pas encore bougé. Mais je serais très tenté par une surelance dans le second cas alors que je coucherais sans trop réfléchir même des mains correctes sur le premier. Les profils semblent identiques mais correspondent à deux historiques totalement différents.
Si vous utilisez un tracker dernière génération, cette information est visible. Encore faut-il y faire attention et ne pas s’arrêter au premier niveau d’information : VPIP 0 ne veut pas toujours dire la même chose.
Profiling minute, livre chez vous en une minute
Un petit peu dans la même veine, où la première main jouée suffit à profiler un joueur : le limp weak.
Un joueur limp et paie une relance, vous savez déjà que vous êtes en face d’une très probable Calling Station. S’il limp et se couche sur une simple relance, alors qu’il n’avait pas un tapis confortable, vous pouvez déjà le considérer comme faible/peureux. N’isolez surtout pas le premier sans une main décente, à bonne valeur (A♣9♦ ressemble déjà fortement à un monstre contre lui). Mais soyez prêt à pousser le second à tapis avec quasiment n’importe quoi (de toute façon, il va se coucher).
Ces joueurs faibles sont extrêmement faciles à jouer, à exploiter. Et vous savez à quoi vous en tenir dès la première action. Tant mieux pour vous, les tournois à petit buy-in en sont remplis…
Même celui qui ne sait rien sait déjà quelque chose
Je ne souhaite pas faire cette chronique sur le cerveau et son fonctionnement. Néanmoins, il faut bien être conscient que celui-ci enregistre en permanence une quantité d’information stupéfiante. Et que la majeure partie de ces informations nous est en fait inaccessible de façon consciente. Pour autant, elle est bien présente mais traitée en tâche de fond. Cela explique qu’on a parfois des instincts, des impressions, des feelings relativement inexplicables. Ils ne sont pas toujours corrects, évidemment. Mais ils viennent de ce travail de fond du cerveau. En l’absence de tout autre élément, vous pouvez vous appuyer dessus (trust your guts, en anglais). Evidemment, plus vous jouerez, plus ces «instincts» seront corrects. Ce que le terme instinct désigne est en fait un énorme travail de fond de notre cerveau qui compile des milliers d’informations à la recherche de similitudes qui vont permettre de rapprocher la situation vécue à l’instant de celles déjà vécues par le passé.
Et quand vraiment vous n’avez rien d’utilisable, ce qui n’arrivera en fait que très rarement, vous pouvez toujours vous reposer sur les mathématiques. La position d’un joueur, la taille de son tapis, de ses relances, sont autant d’informations qui permettent de définir des éventails de main «moyens» probables.
Mais, dans la très grande majorité des cas, vous disposez en réalité de beaucoup plus d’informations qu’on peut le supposer au premier abord. L’utilisation d’un tracker est d’ailleurs parfois pénalisante à ce niveau puisqu’elle limite votre capacité d’attention et vous ramène à des pourcentages qui sont le plus souvent calculés sur des échantillons non représentatifs.
Enormément d’informations « cachées » traînent ici ou là. Et certaines sont extrêmement révélatrices. A vous d’être assez attentif pour les voir. Et assez malin pour bien les analyser.
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