Psychologie du poker : Les degrés d'implication
Le trait de personnalité qui couvre l'organisation, la discipline, la réflexion et la prudence se nomme l'implication. Au travail, on peut aussi parler de 'conscience professionnelle'. Un exemple basique consiste à comparer quelqu'un dont l'intérieur est soigné et bien ordonné à quelqu'un de bordélique. Mais, comme souvent, lorgner du côté des extrêmes se révèle bien plus informatif encore.
Que pensez-vous de quelqu'un qui laisse traîner ses affaires partout sur le sol et dont l'évier déborde de vaisselle sale? Si vous pensez qu'il doit être du genre fainéant, désorganisé et peut-être même un peu bête, alors vous interpréterez vraisemblablement un intérieur bien tenu comme un signe de volontarisme, d'organisation et d'intelligence.
Trop est l'ennemi du bien
OK, mais que pensez-vous maintenant d'une maison dont tous les meubles seraient couverts de film plastique? dont tous les livres seraient parfaitement alignés par couleur sur leurs étagères. Avec des sols lavés, cirés et polis tous les jours et des lits tous impeccablement faits, au carré. Un peu 'too much'? Eh oui, c'est bien le problème avec les extrêmes.
Considérons juste un autre exemple avant d'appliquer tout ça au poker. Combien d'entre nous ont-ils déjà entendu parler de ces comptables qui font des étincelles au boulot mais qui sont incapables de tenir leurs propres comptes à jour? Souvent — très souvent même — les gens montrent des niveaux d'implication très différents suivant qu'il s'agisse de leur travail ou de leur vie privée. On peut établir la même distinction entre travail et hobby, ou entre famille et relations d'affaire.
Applications au poker
Notre degré d'implication varie donc en fonction de notre personnalité et des circonstances. Au poker, l'important est d'arriver à trouver le juste équilibre.
En première analyse, la rigueur, la minutie et la réflexion nous apparaissent plutôt comme des qualités. La plupart du temps, elles le sont, mais pratiquement tout trait de caractère poussé à son extrême devient une faille potentielle.
Prenons par exemple, le joueur technique, qui se base sur les mathématiques. Il a pris le temps d'apprendre méticuleusement toutes les stats et peut calculer la cote d'un pot en un instant. Mais il est allé trop loin et ne jure plus que par les maths. Ce qui fait qu'un bon joueur de poker saura que ce joueur-là va toujours coucher sa main face à un all-in adverse et que par contre il suivra à tous les coups, pour peu que vous lui donniez une cote de deux-contre-un. Il ne peut tout simplement pas s'en empêcher, prisonnier de sa vision strictement mathématique du jeu. J'ai eu un joueur comme ça pendant des années à ma table. Contre lui, je perdais toujours plus de pots que je n'en gagnais mais je finissais aussi immanquablement devant en jetons.
Penchons-nous maintenant sur l'extrême inverse en matière d'implication. Un joueur moins motivé. Ce n'est pas qu'il soit fainéant mais juste un peu trop détendu. Il s'amuse, loupe des reads sur ses adversaires et ces informations lui manquent lorsqu'arrivent les gros coup. Il a alors du mal à situer sa main. Ce qui n'est pas le cas des autres joueurs qui, eux, lisent en lui à livre ouvert...
Les tendances profondes ressurgissent lorsqu'on est fatigué
Ceci étant dit, il est bien évident que la plupart des lecteurs ne se reconnaîtront pas dans des traits aussi marqués. Nous essayons en général d'accumuler les comportements vertueux et d'éliminer ceux qui nous portent préjudice. Mais laissez-moi tout de même vous suggérer de vous interroger sur vos tendances profondes, c'est très important, surtout lorsque vous vous apprêterez à disputer de longs tournois. Pour dire les choses simplement, si vous avez tendance à être trop serré, trop méticuleux, ou au contraire trop large et trop insouciant, ce sont ces traits-là qui ressortiront naturellement lorsque vous commencerez à fatiguer, après plusieurs heures de jeu.
Nous sommes tous pétris d'habitudes et même en étant capables de modifier un temps notre comportement, il n'est pas si facile de se débarrasser de tendances lourdes qui nous suivent parfois depuis la naissance. Donc, le bon vieux proverbe 'connais toi toi-même' vous aidera souvent à rester en course à mi-chemin, plutôt que de vous laisser mourir pour n'avoir pas su changer de rythme ou d'exploser bêtement dans un moment de relâchement coupable.
Ndr : Tous nos articles psychologiques sont disponibles dans notre rubrique "psychologie du poker". N'hésitez pas à aller y jeter un coup d'oeil!
