Psychologie du poker : Le syndrome du Candide
Le syndrome du Candide est la tendance psychologique qui consiste à croire qu'il existe une forme naturelle de justice dans ce monde et qu'en conséquence les gens ont toujours ce qu'ils méritent. Nous y croyons tous jusqu'à un certain point. En conséquence de quoi, quand quelque chose de positif vous arrive, vous pourriez en conclure que c'est normal parce que vous êtes quelqu'un de bien. Et de la même manière, quand vous voyez une catastrophe s'abattre sur quelqu'un d'autre, une sorte de réflexe inconscient vous poussera à vous demander d'abord ce qu'ils ont bien pu faire pour mériter ça. Ils l'ont bien cherché quelque part puisque rien n'arrive pas hasard..
Les plus grands pros ne sont pas épargnés
Professionnel de Poker depuis de nombreuses années, Phil Hellmuth est le Candide-type; Il vous dira invariablement qu'il méritait de gagner cette main parce que dans un monde juste c'est le meilleur joueur qui devrait l'emporter.
Mike Matusow était jusqu'à il y a peu son antithèse exacte : lui vous aurait parlé de son bad run et du fait qu'il ne remportait aucun de ses coin-flips parce que le monde est pourri.
Mike a changé d'attitude et positive d'avantage désormais. Quant à Phil, eh bien Phil sera toujours Phil.
Et vous: où vous situez-vous? Estimez-vous seulement que le poker est un jeu équitable ?
Oui, le poker est un jeu équitable
Beaucoup plus en tout cas que la vie réelle. Nous savons tous qu'au hold'em, la meilleure main de départ est la paire d'As. Nous savons aussi que la pire main de départ est le deux-sept dépareillés. Nous devrions enfin savoir que que dans un tête-à-tête à tapis pré-flop, les As l'emporteront 88% du temps. Dans un monde de justice parfaite, la meilleure main devrait l'emporter à tous les coups alors qu'en réalité, le sept-deux dépareillées sortira vainqueur du duel 12% du temps.
Mais si vous gagnez 88% du temps et perdez 12% du temps, comment se fait-il que vous soyez plus furieux quand vous perdez qu'heureux lorsque vous gagnez ?
Après tout, vous ne devenez pas subitement quelqu'un de bien parce que vous avez gagné avec le meilleur jeu, pas plus que vous n'êtes un bon à rien lorsque votre grosse main se prend un suckout. Le problème, c'est que votre jeu peut en souffrir lorsqu'après une série de bad-beats se développe un profond sentiment d'injustice.
Prenez du recul
Si la vie était aussi simple que les cotes et les pourcentages d'un jeu de 52 cartes, nous vivrions dans un monde juste et équitable. Mais la vie n'est pas aussi facile à prédire qu'un jeu de poker. Ce qui nous amène à la question suivante : si le poker se résume à des maths et à de la probabilité, pourquoi les joueurs sont-ils souvent aussi énervés et pourquoi sont-ils si nombreux à tilter après une rivière aussi improbable que fatale ?
La réponse est simple. Nous pensons qu'une certaine justice existe dans ce monde et nous savons que tout s'équilibre sur le long terme. Nous savons que nous gagnerons 88% du temps. Mais nous avons aussi tendance, parce que nous sommes humains, à nous focaliser sur une main, ou un tournoi ou une session de cash-game en particulier, et à ne pas prendre assez de recul. Les probabilités ne s'avèrent justes que sur le long terme, une période de temps bien plus importante qu'une simple main de poker.
Donc pour votre propre bien, pour votre équilibre psychologique et la régularité de votre pression sanguine, rappelez-vous bien qu'à une table de poker les choses sont certes justes et équitables, mais que ça ne veut pas forcément dire que deux paires de deux et de septs ne battront pas votre paire d'As… de temps à autre.
Ndr : Tous nos articles psychologiques sont disponibles dans notre rubrique "psychologie du poker". N'hésitez pas à aller y jeter un coup d'oeil!