Poloris : s'adapter aux conditions déplorables du marché français
Consultant Pokernews, le reg online et coach Poloris répond aux questions de la rédaction dans la foulée de la première sortie médiatique du nouveau président de l'Autorité de Régulation des Jeux en Ligne en France. Selon Charles Coppolani, le poker en France est sujet à un déclin naturel depuis l'ouverture du marché en France.
Selon les Autorités françaises, "le poker arrive à maturité, l'effet de mode est passé". Etes-vous d'accord ?
Cette analyse n'était pas tout à fait fausse. Le poker était bien un effet de mode, il y a trois ou quatre ans encore, tout le monde faisait des parties chez soi. Lors de l'ouverture du marché des jeux en ligne régulé par l'ARJEL, énormément de jeunes jouaient dans l'ombre et rêvaient de faire fortune, ces fameux jeunes-qui-n-ont-jamais-travaillé cités par les livetards. Cet effet de mode s'est tassé, sans décliner je pense. L'illusion du jeu est encore constante autour de moi. Les joueurs qui n'ont encore jamais rien gagné y croient. C'est une donnée importante. J'ai eu encore une discussion aujourd'hui, un joueur avait gagné 10.000€, l'illusion est là à vie, alors que cette somme n'est rien, même pas une demi année de salaire par rapport au temps et à l'argent investi.
Mais plus qu'un phénomène de maturité, c'est une adaptation aux conditions déplorables du marché français. Les gens commencent à s'adapter à l'environnement.
J'observe un nouvel élan depuis un an. Sur Internet, les joueurs de basses limites se tournent vers les petites rooms pour trouver une population moins hostile. Les gros joueurs gagnants s'expatrient pour jouer sur les grosses salles internationales légalement et pour pouvoir retirer leur argent.
Mon ressenti est que ce sont les grosses rooms online qui reculent. Il n'y a pas un grinder qui ne conseille pas d'aller joueur sur le réseau Ipoker ou Party Poker. S'ils n'arrivent pas à gagner sur Pokerstars, ils vont sur Winamax, s'ils ne gagnent pas, il migrent sur d'autres salles, mais ils n'arrêtent pas forcément. Moi j'ai migré de Pokerstars à Winamax, bien plus facile en tournoi.
En live, les petits tournois à 500€ de buy-in cartonnent toujours, les 1000€ ne marchent plus par contre. Les redressements fiscaux ont fait baisser la fréquentation des tournois de poker live, ce qui implique moins de joueurs sur Internet, car le online ne pourra jamais vivre sans le live. Pokerstars l'a bien compris avec son circuit European Poker Tour qui nourrit le jeu online. Au final, tout le monde veut jouer sur Pokerstars et se qualifier pour les tournois EPT. C'est le nerf de la guerre, le recul du live engendre un recul du online. Vu qu'en live, les gagnants de tournois ont peur de se faire redresser, il ne s'inscrivent pas, surtout sur les high rollers. La machine est enrayée.
Moins de joueurs de cash game online, plus sur les tournois online, pourquoi ?
La clé est le rake. Quand tu joues un tournoi, tu es raké pour six heures de jeu. Le rake cher des tournois est moins ressenti par les joueurs. Un joueur de cash game calcul tout en Big Blinds ressent le rake tout le temps. Les joueurs moyens se rendent compte qu'ils jouent pour rien.
Le joueur de tournoi peut jouer pour rien, mais pendant des mois. Le rake excessif est moins ressenti et plus dilué. Sur un tournoi de 10€, tu vas donner 1€, c'est à dire 10%, ce qui est énorme, mais tu vas les donner pour six heures. Un joueur de cash game ne va jamais donner un euro pour sept heures, il va donner des dizaines d'euro. Je parle à niveau égal, la prise sur les petits pots est trop importante. Un petit joueur de cash game ne peut pas battre le rake. C'est faisable, mais ça demande tellement de travail et de concentration que tu as l'impression de te faire croquer par les taxes. Ce qui fait vraiment mal au joueur de cash online, c'est qu'ils se font trop ponctionner.
Pour moi, le cash game online fr est saturé, tu as trois tables, cinq regs, je veux dire, ça limite beaucoup les options pour un joueur débutant. Le gars qui se pose voit toujours les mêmes personnes, ça ne donne pas envie de jouer. En plus, il peut avoir une certaine peur que certains jouent ensemble. C'est un cercle vicieux, c'est de pire en pire. Le joueur X n'a pas envie de se poser en cash online. Sur iPoker, il y a des tables anonymes. C'est une solution court terme, mais pas long terme, car ce sont les regs en cash qui vont se plaindre ensuite. Qui dit moins d'infos, dit moins de bonnes décisions, dit moins de revenus pour les joueurs.
En live, il y a aussi un recul des parties, avec les 4% non capés dans les casinos live, c'est toujours la même histoire. NDLR : dans les cercles de jeux, le prélèvement est désormais horaire].
47% des joueurs sur le territoire français sont sur des salles illégales selon une étude de l'Observatoire des Jeux (ODJ), ce chiffre vous semble il réaliste ?
Ce chiffre est une supercherie, je ne sais pas d’où il sort. Il doit y avoir une erreur quelque part. Je connais beaucoup de joueurs, parmi eux, il n'y en pas la moitié qui jouent illégalement. Impossible. Je met au défi de trouver plus de 10% de joueurs français sur les salles illégales, la démarche est trop compliquée. Ils ne sont parfois pas capables d'effectuer des démarches pour leur propre vie quotidienne... Il doit y en avoir plusieurs moyens de court-circuiter le système actuel. Mais pour jouer en France sur une room illégale, il faut pouvoir à la fois jouer sur un adresse IP étrangère et pouvoir récupérer les sommes gagnées. A part pour les Français vivant à la frontière de pays non régulés et ayant des potes ou de la famille, c'est très difficile. Le chiffre semble donc aberrant.
J'irai plus loin : le Français moyen aime être un pigeon, dans sa bulle, et se faire traire comme une vache. Lorsque tu joues en live et que tu croises un américain, il se fout de toi. Très peu d'étrangers viennent jouer en France dans les casinos à cause de ça. En ligne, les étrangers ouvrent seulement les salles FR pour jouer les grosses offres, pas pour jouer leur quotidien. La situation ferme aussi les opportunités de rentrées d'argent. Il y a moyen de faire beaucoup mieux, mais pas avec la gourmandise française actuelle. Mais ça, c'est un autre sujet.