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Philippe Ktorza : ne rien attendre des responsables politiques

Philippe Ktorza
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Philippe Ktorza

Consultant Pokernews, Philippe Ktorza répond aux questions de la rédaction dans la foulée de la première sortie médiatique du nouveau président de l'Autorité de Régulation des Jeux en Ligne en France. Selon Charles Coppolani, le poker en France est sujet à un déclin naturel depuis l'ouverture du marché en France.

Selon les Autorités françaises, "le poker arrive à maturité, l'effet de mode est passé". Etes-vous d'accord ?

Philippe Ktorza : "Je ne pense pas que l'on puisse réduire le déclin du poker online en France à un simple effet de mode passé ou à la maturité du marché. Il y a un certain nombre de leviers mal réglés qui provoquent clairement la baisse des chiffres d'une année sur l'autre.

La fiscalité appliquée aux opérateurs limite leur capacité d'investir sur le marché. Le but d'un site de poker et de n'importe quelle entreprise dans le monde est, mine de rien, de dégager des bénéfices. Plus la fiscalité appliquée est mal adaptée, plus les joueurs en font les frais.

Dans son texte, la loi régulant les jeux d'argent et de hasard en ligne comportait une clause de revoyure. Nos responsables politiques n'ont pas jugé nécessaire de réaliser des ajustements législatifs significatifs pour corriger des lacunes évidentes... Je ne dis pas que la correction de ces points auraient eu un impact positif aujourd'hui, mais une correction aurait probablement limité le déclin.

Les actions de l'administration fiscale ont fait fuir de gros joueurs et les joueurs récréationnels n'y trouvent peut-être plus leur compte. La crise économique est également un facteur qui pèse. Les gens préfèrent dépenser leur argent dans autre chose.

Mais je pense aussi que les sites ont un peu leur part de responsabilité... Il faut innover et ajuster. Il faut sans doute revoir les payouts des tournois pour mieux répartir les gains afin qu'ils soient réinvestis. Il faut également peut-être revoir la longévité des tournois quitte à les organiser sur plusieurs journées courtes. Tout le monde ne peut pas rester devant un écran jusqu'à tard le soir, surtout si c'est pour remporter un petit gain. Peut-être serait-il bon de fractionner les tournois...

Quoi qu'il en soit, il ne faut pas attendre que les responsables politiques changent quelque chose, il faut regarder les chiffres et apporter des ajustements.

Être présent sur le marché français, c'est fournir un travail de tous les instants. On ne peut pas juste établir un programme des tournois, un programme V.I.P., des styles de tournois différents et laisser la machine tourner. Pour le cash game, malheureusement, la marge de manœuvre est beaucoup plus limitée. Les promotions ont un effet, mais ne durent qu'un temps... Il n'y a rien sur le long terme et le rake en France n'est pas prêt de baisser, car la fiscalité appliquée aux opérateurs n'est pas prête de changer...

Le marché du poker en ligne est actuellement dans une spirale négative... Cela va être extrêmement dur d'en sortir..."

Moins de joueurs de cash game online, plus sur les tournois online, pourquoi ?

"Je pense que l'expérience live reste une chose que beaucoup de joueurs recherchent. Un joueur professionnel y verra une belle compétition, un moyen de se mesurer face aux autres concurrents. Et puis cela reste un excellent moyen pour promouvoir son image pour attirer les sponsors ou montrer les couleurs que l'on défend.

Pour un joueur amateur, cela reste un rêve. Il y a quand même une énorme différence entre jouer de chez soi et se rendre dans un casino. L'ambiance n'est bien évidemment pas la même, la manière de jouer non plus... Gagner online n'a également pas la même saveur que de gagner en live. Pour beaucoup, participer à un tournoi de poker en live, c'est un peu comme traverser l'écran de la télévision. Beaucoup de joueurs ont découvert le poker grâce aux émissions du World Poker Tour ou des World Series Of Poker. Jouer le Main Event des WSOP reste un rêve pour tout le monde par exemple.

Je pense aussi que les joueurs ont envie de revenir à un aspect social du poker. L'interactivité entre joueurs en live est parfois plaisante. Il ne s'agit pas que de jouer, mais aussi de passer un bon moment. Le online est souvent une activité très solitaire. À moins d'organiser une soirée entre amis pour jouer les gros tournois du dimanche, les joueurs sont souvent tout seul face à leur écran. En live, c'est totalement l'inverse !

En plus de ces différences, le rake en cash game en France est l'un des plus élevés au monde pour le poker en ligne. Au bout d'un moment, je pense qu'il y a aussi un phénomène d'essoufflement. En plus de se battre contre d'autres joueurs, les Français doivent se battre contre un prélèvement excessif.

Le live est une belle alternative et surtout, les organisateurs l'ont bien compris : il faut que le live soit également une expérience fun ! Bornes de jeux vidéo, simulateurs de Formule 1, soirées, coins joueurs, satellites flash, destinations agréables... On ne va plus à un festival uniquement pour jouer au poker. On y va aussi pour les activités proposés à côté."

47% des joueurs sur le territoire français sont sur des salles illégales selon une étude, ce chiffre vous semble il réaliste ?

"Il y a très certainement des joueurs en France qui jouent sur des sites en .com, donc sur des sites jugés illégaux, car non-agréés par l'ARJEL. C'est même sûr. Mais 47% des joueurs ? Très sincèrement je n'y crois pas un seul instant. Cette part est vraiment, à mon avis, exagérée.

Je me demande vraiment comment l'institut qui a publié ce chiffre a pu le trouver. De plus, ce chiffre n'est pas cohérent avec les propos de l'ARJEL. Il y a quelques temps, on nous disait que l'offre illégale était devenue marginale. Maintenant on nous dit que près d'un joueur sur deux joue sur des sites illégaux !

Je pense que la donnée a mal été interprétée ou la question mal posée. Peut-être que 47% des joueurs ONT DÉJÀ JOUÉ (au passé) sur des sites illégaux, comprenez, qu'ils ont joué au poker online avant le passage de la loi en 2010. Cela m'étonnerait déjà moins.

Mais à l'heure actuelle, je doute sincèrement que 47% des joueurs français jouent sur des sites illégaux. Ou alors l'objectif de la régulation est un échec cuisant et dans ce cas il faut changer quelque chose pour que ces 47% jouent uniquement sur les sites agréés par l'ARJEL. Cela veut dire qu'il faudrait les rendre plus compétitif, donc changer quelques points législatifs. Si les responsables politiques se fient à ce chiffre, alors il faudrait faire quelque chose. Et les messages d'alerte n'y changeront rien, les modifications devront être en profondeur."

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