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Impôt Revenus Poker : dans l'attente d'une position claire en France

Philippe Baret
Jerome Maniongui
Jerome Maniongui
4 min à lire

Juriste fiscaliste employé chez Ernst & Young Congo, Jérôme Maniongui est l'auteur d'un mémoire universitaire sur "L'imposition des gains du poker" réalisé à Paris en 2013. Il répond aux questions de la rédaction Pokernews.

Quel intérêt intellectuel ou pratique vous a poussé à réaliser un mémoire sur l'imposition des gains au poker en France ?

Jerome Maniongui
Jerome Maniongui

"Mon intérêt pour l'imposition des gains au poker en France résulte du fait que moi même j'étais joueur de poker bien avant la loi 2010 réglementant les jeux en ligne. Je jouais sur BWIN (Bet and Win à l'époque) sans savoir que cela était interdit par la loi.

Lorsque j'ai commencé à approfondir mes études fiscales, j'ai eu connaissance de l'arrêt du tribunal administratif de Clermont-Ferrand "M. et Mme Petit" qui a considéré, dans une certaine mesure, que les gains tirés du poker étaient imposables. Suite à cette découverte, j'ai décidé, en accord avec l'un des mes professeurs, d'approfondir les recherches la-dessus car le secteur des jeux en ligne est en pleine expansion et génère des revenus importants. Ce qui n'est pas sans soulever des problèmes."

Quels sont ces problèmes ?

"Premièrement, l'imposition des revenus qui serait selon la nature du joueur. Si le joueur est assimilable à un professionnel : imposition sur les bénéfices non commerciaux avec obligations comptables sous les régimes de la déclaration contrôlée ou de la micro-entreprise. Si le joueur est considéré comme amateur: non imposition. Donc une imposition à la carte.

Ensuite, la remise en cause du caractère de jeu de hasard par la jurisprudence alors que la loi classe le poker dans la catégorie des jeux de hasard. Enfin, le critère de l'aléa n'est pas clairement précisé.

Les décisions ont été rendues par des juridictions de premier et second degré, nous attendons les positions des juridictions suprêmes : Conseil d'Etat et Cour de cassation."

Cette imposition à la carte existe elle pour d'autres revenus, est-ce un nouveau concept fiscal ?

"Cette imposition à la carte existe pour d’autres revenus. C’est le notamment le cas des personnes physiques qui spéculent un peu trop sur les placements immobiliers et réalisent des gains substantiels. Le fisc considère ces personnes comme des marchands de biens. C’est aussi le cas des gains perçus par les spéculateurs boursiers qui sont souvent fourrés dans la catégorie fourre-tout des bénéfices non commerciaux (BNC, article 92 du Code Général des Impôts). Même si la loi de 2004 a apporté des aménagements à cet article 92-2-1. "

Le hasard et l’aléa étant présents dans toute activité économique et financière, pourquoi tant de circonvolutions au sein des décisions de justice ?

"Il est évident que le hasard et l’aléa sont présents toute activité économique et financière donc lucrative mais dans notre cas, les jeux étaient considérés comme des activités non lucratives car ludiques. Mais avec l’évolution du temps, certaines activités ludiques sont devenues très lucratives (gains importants) si bien que certains revenus qui étaient autrefois exonérés sont devenus soumis à l’impôt sur le revenu.

Cette évolution a conduit les Etats, à vouloir appréhender ces revenus qui leur échappaient. La loi n’étant pas très claire sur ces points, la jurisprudence a pris le devant en attendant d’avoir une législation claire sur ce point."

Que peut-on attendre des juridictions suprêmes ?

"Les décisions des juridictions suprêmes viendront nous donner une position claire sur la notion de revenu imposable provenant des jeux de hasard. Deux décisions ont été rendues par des juridictions différentes et sur des problèmes différents.

La première est celle rendue par le tribunal administrative de Clermont-Ferrand en 2010. Dans cette affaire, des parents ont vu l'administration effectuer des rehaussements d'impôts sur les gains des jeux issus des activités de jeu de hasard de leur fils, notamment ceux du poker. Nous attendons la décision du Conseil d’Etat.

La seconde affaire concerne des joueurs qui organisaient des parties de poker. Ils sont été poursuivis sur le fondement du délit de participation à la tenue d'une maison de jeux de hasard prévu à l'article 1er de la loi de 1983 relative aux jeux de hasard. Les prévenus ont été relaxés par une décision du tribunal correctionnelle de Toulouse qui a considéré que le délit n'est pas constitué dans la mesure où le caractère de jeu de hasard, en sa version Hold'em Poker, n'était pas établi. Cette décision du tribunal correctionnel a été confirmée, en appel, par la Cour d'Appel de Toulouse.

Les juges judiciaires ont considéré que le caractère de jeu de hasard du poker n'était pas avéré. Si le poker n'est plus un jeu de hasard, il est donc un jeu d'adresse dont les gains constituent des revenus imposables. Nous attendons la décision de la Cour de Cassation."

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