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Mémoire et décision : ne pas être "Result Oriented" au poker

Robert Woolley
Jeremie B.
Jeremie B.
5 min à lire
Psychologie Poker : mémoire, décision et (ne pas) être "Result Oriented"

Robert Woolley vit à Asheville, NC. Il a passé plusieurs années à Las Vegas et raconte son parcours dans le poker sur son blog “Poker Grump” blog.

La mémoire humaine est faite de telle sorte qu'elle apprend en créant des liens de cause à effet entre les événements : "Si j'ai gagné c'est parce que j'ai bien joué". Or, le poker, avec la part de hasard qu'il contient et la variance que cela implique, va à l'encontre du fonctionnement naturel de la mémoire. Le fait d'être result oriented décrit le fait de juger de la qualité de son jeu en fonction des résultats - une erreur coûteuse.

Quand j'étais encore un enfant, ma mère avait laissé son fer à repasser sur la table et il m'a semblé terriblement important de savoir si celui-ci était chaud ou non. Pour moi, le seul moyen de le savoir était de poser mon doigt dessus. J'ai touché, il était très chaud : je me suis brûlé et me suis mis à pleurer.

Mais j'ai aussi appris une leçon : ne pas toucher au fer au repasser, ça brûle. Et je n'ai jamais recommencé.

Actions et réactions, différences et répétitions

L'évolution a doté notre cerveau d'une incroyable capacité à apprendre de telles leçons. Les événements très douloureux ou très agréables produisent de grandes quantités de dopamines et autres neurotransmetteurs qui créent nos souvenirs – ces souvenirs qui vont fortement conditionner notre comportement tout au long de notre vie. Nous serons donc enclins à répéter les expériences agréables et à éviter celles douloureuses.

Le poker n'échappe pas à ce mécanisme d'apprentissage naturel – ce qui crée une grande confusion. Au poker, l'on peut prendre la meilleure décision possible et tout de même perdre. Ou, on peut faire n'importe quoi et gagner par chance.

Supposons maintenant, qu'au lieu d'une brûlure douloureuse, le fait de toucher un fer à repasser chaud provoque une sensation agréable, proche de l'orgasme. Imaginez ce que ressentirez une personne qui poserait le doigt sur un fer à repasser chaud pour la première fois. Comment pourrait-il savoir que toucher un fer brûlant est une mauvaise idée ?

Imaginons à présent que toucher un fer à repasser puisse de manière aléatoire provoque une sensation parfois agréable, parfois douloureuse. Imaginez une personne qui toucherait pour la première fois de sa vie un fer chaud. Penserait-il que toucher un fer brûlant est une bonne ou mauvaise idée ?

De la main isolée à la conclusion générale

Je me suis retrouvé à une table de poker avec quelqu'un qui jouait 80 ou 90% des mains de départ, même s'il y avait eu une relance avant lui. Quelqu'un lui fait remarquer qu'il semble n'y avoir aucune main qu'il aime jeter préflop. Et le joueur de s'expliquer :

“La première fois que j'ai joué au poker, il environ deux ans, la première main que j'ai reçu était 7x3x dépareillé. Je savais d'après les émissions vues à la télévisions que c'était une mauvaise main,alors j'ai passé. Le flop est venu : 3x3x7x. J'aurais touché un full ! Je me suis alors dit : ‘Je viens d'apprendre quelque-chose d'important : la main ne commence pas vraiment avant d'avoir vu le flop. Tu n'as que deux cartes. Il faut voir les cinq pour savoir ce que l'on a’”.

Aussi certain que je puisse l'être sans vérifier ses comptes, ce joueur est assurément perdant sur le long terme.

J'ai personnellement eu une expérience similaire. Au tout début de a carrière dans le poker, j'ai reçu Jx4x à la big blind. Personne ne relance et e flop vient JxJx4x. C'est la première fois je floppe un full ! Et j'ai gagné le pot. Voir ce flop miraculeux a libéré des océans de dopamines dans mon cerveau. Je me rappelle chaque détail de la main, du casino, de la table, du siège même si cela date de plusieurs années.

Plus, à chaque fois que je reçois Jx4x, les souvenirs remontent involontairement à la surface, soudain je revois le casino et ce flop miracle.

J'en suis arrivé à nommé ce phénomène 'l'effet Valet-Quatre', mais en l'honneur du joueur mentionné avant, j'aurais aussi pu l'appeler l'effet Sept-Trois. En fait, n'importe quelles cartes peuvent déclencher cet effet. Le problème n'est pas ce qui le déclenche, mais votre façon d'y réagir.

Je ne joue pas Jx4x dans l'espoir de trouver à nouveau un flop incroyable. Je me suis jamais mis à considérer Jx4x comme une main magique ou fétiche. Je n'ai pas tiré d'une expérience particulière une règle générale : 'Puisque deux cartes aléatoires peuvent toucher un full floppé, il faut jouer n'importe quelles cartes' ?

Quelle est la différence entre mon Jx4x et l'homme au 7x3x ? Pourquoi s'est-il enfermé dans une erreur induite par sa première jouée, alors que malgré l'impérissable souvenir laissé par mon Jx4x je ne me suis pas mis jouer toutes les cartes ou Jx4x dans toutes les configurations ?

Je n'ai pas la réponse, mais c'est une question intéressante. L'une des raisons est sans doute que j'ai joué bien plus de mains que ce monsieur. J'ai donc vu bien plus d'actions et de conséquences et je suis bien plus conscients de la part de hasard dans le jeu. Peut-être que j'arrive à croire davantage les gens qui font autorité dans le poker que ma propre expérience.

Quelle que puisse être la raison, il est essentiel de dépasser le stade du 'result oriented', c'est-à-dire cesser de tirer des conclusions générales à partir du résultat d'une seule main isolée. Au poker, il est naturel que la mémoire associe une action à son résultat positif ou négatif comme elle le fait dans le reste de la vie. Mais la part du hasard dans le poker fait que cette mécanique de la mémoire peut vite coûter cher.

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Jeremie B.
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