Alec Torelli : Conseils pour surmonter de grosses pertes au poker
Alec Torelli est un joueur de poker professionnel avec 1.394.679$ de gains en tournoi à son actif. Dans le dernier billet de son blog, il répond à "Saxophone" qui ne parvient pas à se remettre d'avoir perdu une bankroll de 500.000$. Dans cette première partie, Alec Torelli parle de downswing, de garder une perspective positive et du bonheur en général.
Préface: Une histoire personnelle
Marchant à travers le Bellagio, j'aperçois un attroupement autour de quelques individus en train de hurler. Je m'arrête pour voir de quoi il s'agit. "Que se passe-t-il ?" demandé-je à un homme un peu en arrière.
"Kevin Garnett et Paul Pierce [célèbres joueurs de basket] jouent au blackjack". Je me fraye un chemin plus en avant. Le groupe exulte, on lève les mains en l'air, un homme ivre manque de renverser sa bière sur moi. Ils ont dû gagner une fortune.
Lorsque j'ai pu voir la table, la première chose que j'ai notée n'était pas le montant de leur mises mais la montre de Kevin. Incrustée de diamants, elle brillait sur le sol du casino faiblement éclairé. Mon regard a descendu le long de son poignet, puis ses doigts. Je n'en croyais pas mes yeux. Je plisse les paupières pour être sûr, mais les deux piles de jetons rouge ne peuvent pas prêter à confusion. Ils misaient 10$ par main.
La Raison : Stimulation
Bien qu'il jouaient un montant relativement faible, leur excitation créait beaucoup d'agitation autour d'eux. Dans le même temps, un joueur de poker high stakes peut gagner un pot avec trois zéros de plus sans même sourciller. Comment est-ce possible? Quand nous jouons, notre esprit développe une tolérance à la stimulation, tout comme un alcoolique qui peut enchaîner 10 verres. L'excès devient la norme.
Il y a tant de fluctuations à supporter avant que cet argent ne devienne réel. Une fois ce seuil passé, les émotions reviennent.
Quand nous gagnons, c'est la joie et l'euphorie. Quand on perd, c'est la douleur et la panique. Les défaites sont toujours plus difficiles à gérer que les victoires. Elles sont si préjudiciables à notre état mental que je veux faire référence au point de rupture (PR). Le PR dépend grandement de la fréquence de jeu. Pour deux athlètes qui jouent rarement de l'argent, la moindre volatilité est source d'excitation.
Le Problème : Compulsion
Si quelqu'un décide de jouer, il est inévitable qu'il finira par franchir le PR. Il peut utiliser une "stop loss" (limite de pertes) ou faire une pause en cas de mauvaise série significative. Si cela peut être utile, ça ne fonctionne pas toujours.
D'abord, il faut avoir atteint ce point de rupture au moins une fois pour savoir où il se situe. Une grosse partie lucrative est souvent trop attirante pour que même le joueur le plus conservatif parvienne à résister. Soyons réalistes, nous aimons tous jouer. Le vrai problème est de savoir comment se rétablir quand le pire arrive.
La Solution: Passer à l'Action
La vie de joueur de poker désensibilise face à question de l'argent. Personnellement, c'est une bataille constante parce que je ne suis pas assez riche pour me permettre un tel détachement. La plus grosse main que j'ai perdue m'a coûté 475.000$. Mon plus gros downswing est de 1.000.000$. Dans les deux cas, j'ai éprouvé un sentiment de perte, de désespoir et de vide similaire à la souffrance d'une rupture douce-amère. De mon expérience, la meilleure façon de se remettre d'un tel traumatisme est de séparer deux choses différentes : le poker et la vie.
Je sais que mon PR se situe au niveau du maximum que je puisse perdre sans perdre mon recul. Le "cap de gains" (CG) est l'opposé. Quand ces deux lignes se croisent, je prends un jour de repos pour découvrir quelque-chose de différent, de créatif, de nouveau. Cela peut être aussi simple que d'essayer un nouveau restaurant, aller se promener dans une partie inconnue de la ville ou faire un peu de sport. Tout cela peut faire la différence entre une remise à zéro réussie ou une matinée pleine de stress.
Pour aller plus loin dans la thérapie, je m'offre une petite récompense, je m'achète quelque-chose. Cela renforce le fait que l'argent gagné au poker a une vraie valeur dans le monde réel et m'aide à me motiver pour jouer mieux.
Parfois, je n'ai pas la liberté de prendre tout un jour de repos. Une partie de cash game très lucrative m'appelle ou, plus dangereux, j'ai franchi mon PR en cours de session mais je veux continuer à jouer. Le moyen le plus rapide de me reconcentrer peut sembler étrange, voire même blasphématoire, mais ça marche. Je déchire de l'argent.
Exact. Je m'écarte de la table, je prends un billet d'1$, je le déchire en petits morceaux et je le jette en l'air. Si vous venez de grincer des dents, c'est une bonne chose. C'est censé être pénible et nous rappeler que notre détresse ne vient pas de l'argent mais de l'accoutumance du cerveau à la stimulation.
Afin de recréer cette étincelle, il nous faut plus de carburant et plus de volatilité. Ce petit sacrifice d'1$ peut en sauver des milliers à la table.
Enfin, nous devons tous nous rappeler cette chose qui l'emporte sur tout : le bonheur. Lorsque nous nous demandons s'il est opportun de jouer au poker, nous ne devrions pas prendre notre décision selon l'EV (Expected value, espérance de gain) en dollars, mais en fonction de la manière dont cela nous affecte mentalement (bEV, l'espérance de gain de bonheur).
La récupération physique est importante sur le court terme : sessions perdantes et mauvais jours. Mais sur le long terme, quand il s'agit de mois perdants et de bankrolls perdues, un changement de mentalité est nécessaire.
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