Les jeux d'argent et de hasard peuvent être dangereux : pertes d'argent, conflits familiaux, addiction…, retrouvez nos conseils sur joueurs-info-service.fr (09 74 75 13 13 - appel non surtaxé).

Gouvernemen ANJ Adictel Evalujeu

Hold'em : Quand miser avec une main moyenne à la rivière (Kipik Poker)

kipik poker chronique

Lors des deux dernières chroniques, j’ai abordé la valorisation du jeu max à la rivière et l’optimisation du sizing en bluff. Hélas, si on a assez régulièrement «rien», on a rarement le jeu max et il va arriver beaucoup plus souvent qu’on ait seulement un jeu moyen.

Une de ces mains, genre top pair, ou une paire avec une carte supérieure au tableau, voire parfois deux paires… ou même un brelan (ou mieux) sur un tableau particulièrement dangereux. La définition de « main moyenne » est extrêmement floue. Elle dépend également de votre image et de celle de votre adversaire. Si vous avez top pair top kicker, la situation sera totalement différente selon que vous êtes deux joueurs serrés ou contre un maniaque ou entre joueurs très agressifs.

Nous allons poser comme base qu’une main moyenne est tout ce qui se trouve entre les grosses mains (le jeu max ou, en tout cas, assez fort pour gagner au moins 90% du temps) et une main médiocre qui ne vaudrait pas une mise (mais pourrait valoir un call, voir Chronique sur la Showdown Value). On a un mieux qu’un «bluff catcher» mais, en même temps, on n’a pas une main avec laquelle on souhaite réellement voir le pot s’emballer.

L’heure des questions existentielles

Comme avec n’importe quelle autre main, il va être indispensable de commencer par se poser les questions de base :

- Quelles sont les chances que notre adversaire ait quelque chose qui mérite de payer mais soit tout de même battu ? Et, l’inverse, selon la texture du tableau et l’action antérieure, quelles sont les chances qu’il ait une main qui nous soit supérieure ?

- Quelle est notre image, comment est-on perçu ?

- Quel est notre historique de l’adversaire, quelle est son image, quels sont ses défauts ?

Je ne détaille pas, la logique de cette réflexion sera toujours la même, qu’on ait le jeu max, hauteur 5 ou un jeu moyen.

Le cas le plus simple : contre un adversaire peu créatif

Si vous jouez en petites limites, ce sera aussi le cas le plus courant. Votre adversaire est plutôt passif et extrêmement linéaire. En résumé, il joue pour l’essentiel en regardant sa main, pas en imaginant la votre.

Beaucoup de joueurs de petites limites se plaignent de cette incapacité qu’ont leurs adversaires à «lever le nez de leurs cartes». Et c’est probablement la complainte la plus absurde qui soit. On devrait au contraire rêver de toujours jouer de tels adversaires !

Prenons un exemple : vous êtes à la rivière, le pot est de 20bb et votre tapis est de 90bb (le pot est plus petit que dans les exemples précédents et c’est logique avec une main «incertaine»). Le tableau n’était pas très chargé en tirages et votre adversaire est du genre linéaire alors que vous-même avez une image agressive.

Dans ce genre de situation, c’est le profil de votre adversaire qui va se révéler décisif. Vous n’avez en effet pas à craindre de ce genre d’adversaire qu’il tente un check-raise en bluff juste parce qu’il a compris que, sur ce genre de tableau qui a été checké au moins une fois (flop ou turn, peu importe pour aujourd’hui), vous aurez rarement plus qu’une paire et ne pourrez donc pas payer une relance.

Dit autrement : ce genre d’adversaire ne va jamais transformer sa main en bluff quand il pense que sa showdown value est bonne mais trop faible pour mériter de payer (ok, il ne pense certainement pas à sa «showdown value» mais il voit que sa main vaut quelque chose et c’est bien assez pour lui). Il va vous payer avec toutes les mains qu’il suppose avoir une chance de gagner (même moyenne/faible). Et, quand il vous relance, c’est forcément avec un jeu très fort (que vous ne pouvez/devez évidemment pas payer !!!).

Nous avons une main moyenne, notre adversaire check. Et, souvent, nous allons en faire autant. Le pot est moyen, notre main aussi. Miser reviendrait souvent à surjouer notre main, voire la tourner en bluff. Et on devrait fold si vilain nous relance… donc, on check.

Calculons l’équité du check (pour rappel : checker a aussi une équité) en supposant que notre main gagne trois fois sur quatre :

EV = 0.75*20 = 15bb

Traduction pour ceux qui ont du mal avec les chiffres : chaque fois qu’on check en position à la rivière, on gagne 15 blinds si notre main gagne 75% du temps. On gagnerait 16bb avec une main qui l’emporte 80% du temps. Et encore 12bb avec une main qui gagne 60% du temps.

Difficile de se plaindre, n’est-ce pas ?

Le problème ici est de checker en position une main qui a de bonnes chances de gagner à l’abattage. C’est pourtant quelque chose que vous allez voir souvent. Ou le joueur est un peu timide et il va craindre un piège ou imaginer que le Roi tombé à la rivière change quelque chose. Ou il ne sait pas trop où il en est. Ou il préfère se simplifier la vie et ne pas se créer une situation trop complexe, notamment s’il joue beaucoup de tables.

Gagner 12-16bb sans prendre de risques avec une main moyenne est un bon résultat. Mais est-ce le résultat optimal ?

Que se passe-t-il si on décide de miser ?

Nous avons décrit notre adversaire comme linéaire, il ne va donc jamais nous relancer en bluff (ou tourner une main moins bonne que la nôtre en bluff). S’il relance, on jette notre main sans une seconde de réflexion. Mathématiquement parlant, cela revient donc au même que s’il avait simplement payé avec une meilleure main.

On doit aussi assumer que ce genre d’adversaire ne va jamais coucher une meilleure main que la nôtre. Jamais est certes un mot à bannir de votre «vocabulaire poker» mais, dans ce genre de situation, supposer que vilain jette parfois la main gagnante est une erreur bien plus grave que de supposer qu’il ne le fera jamais. (Pour être tout à fait juste, on peut estimer que les chances qu’il jette une main meilleure sont du même ordre que les chances qu’il tourne sa main en bluff : les deux sont possibles mais hautement improbables et, au final, vont s’annuler).

Evidemment, il va aussi parfois nous payer avec une main inférieure. Et tout le problème revient à savoir combien de fois cela arrivera. Et combien de fois il faut que cela arrive pour que miser soit correct (autrement dit, nous fasse gagner de l’argent).

On a dit que notre main gagnait 75% du temps quand on checkait. Cela revient à dire que 25% du temps, vilain a une meilleure main que nous et que, systématiquement, il nous paiera (ou relancera).

75% du temps, il aura par contre une moins bonne main avec laquelle il va parfois payer ou, le plus souvent, jeter.

Fâchés avec les maths, j’ai une bonne nouvelle pour vous : pour une fois, il n’y a rien à calculer !

Il suffit en effet que vilain nous paie plus souvent avec des mains battues qu’avec des mains qui nous battent pour que miser soit la décision correcte. Si vilain a 25% du temps une main meilleure mais nous paie 30% du temps avec une main dominée, alors on gagne de l’argent. Le b.a.ba du poker !

Certains chiffres sont plus parlants que d’autres

Ce qui est intéressant, c’est de confronter cette évidence à la range de notre adversaire pour comprendre ce que cela implique.

Vilain nous bat 25% du temps et doit donc nous payer 25% du temps avec une main battue pour que notre mise soit rentable. Puisqu’il a 75% de mains perdantes dans son range, cela revient à dire qu’il doit nous payer une fois sur trois avec une main perdante.

Si notre main gagnait 80% du temps à l’abattage, vilain devrait nous payer 20% du temps, soit avec un quart de ses mains perdantes.

Si notre main gagne 70% des abattages, c’est avec 43% de ses mains perdantes qu’il doit nous payer pour justifier notre mise.

Si notre main a seulement 60% de chances d’être la meilleure, miser pour valeur à la rivière implique que notre adversaire nous paie avec les deux tiers de ses mains perdantes (pour obtenir un résultat équivalent à un check).

Respirez, visualisez, expirez

Je voudrais faire une petite pause ici, le temps que ce concept essentiel soit bien compris. Si notre main gagne trois fois sur quatre à l’abattage, miser pour valeur implique que notre adversaire nous paiera avec un tiers de ses mains perdantes. Quand notre main gagne 7 fois sur 10, il faut un adversaire capable de payer quasiment une fois sur deux avec une main perdante pour justifier une mise.

Cette relation entre la valeur de notre main et l’erreur que doit commettre notre adversaire n’est pas si évidente à visualiser. C’est pourtant le cœur du problème quand on commence à vouloir «value bet thin» (miser fin, avec un très petit avantage) : il suffit de pas grand-chose pour passer d’une décision gagnante à un play perdant.

Formulé autrement : même avec une main qui gagne 80% du temps à l’abattage, il faut que notre adversaire commette une erreur une fois sur quatre pour rentabiliser notre mise. C’est évidemment un cas de figure très probable. Mais dès qu’on diminue un peu la valeur de notre main, la nécessité que notre adversaire commette une erreur augmente rapidement.

Passer de 80% à 70% d’abattages gagnés peut sembler une différence minime. Sept ou huit fois sur dix, quelle différence ? Mais elle implique que notre adversaire commette quasiment deux fois plus d’erreurs pour justifier une mise (passe de 25% à 43% de sa range dominée qui doit payer).

Evidemment, cela ne tient pas compte non plus des bluffs possibles qui vont augmenter au fur et à mesure que les ranges «s’afaiblissent». Le but aujourd’hui est juste de discuter de la difficulté à valoriser même une main très correcte. Et nous sommes ici contre un adversaire relativement simple, qui ne va pas chercher à nous «outplayer»…

C’est light, ça peut pas faire de mal…

L’important est de bien «visualiser» le rapport entre la force de notre main et le niveau d’erreur que cela implique chez notre adversaire. Mon but n’est nullement de vous dissuader de miser « light ». Bien au contraire ! Mais de comprendre ce qu’une mise light implique, même avec une main assez forte pour gagner 70% des abattages quand on check.

Dans certaines situations, contre certains adversaires, ça ne sera pas suffisant pour envisager de miser et il faudra vous résoudre à checker votre bonne/moyenne main.

Mais plus votre adversaire aura des tendances «calling station», plus vous devrez aller chercher cette thin value. Certains adversaires de ce type n’auront aucun souci à payer avec 50% de leurs mains perdantes, vous permettant un profit plus que substantiel (attention quand même : 50% de mains perdantes qui paient, ça n’est pas suffisant si notre main ne gagne que 60% du temps quand on check !). N’ayez aucune gêne à les punir de leur defaut jusqu’au bout.

De même, plus votre image sera agressive et «bluffeur», plus vous devrez miser la rivière avec vos mains moyennes. C’est de cette façon que vous rentabiliserez votre image. Pensez à toutes ces fois où vos bluffs ont été payés par des mains médiocres que votre adversaire a décidé de ne pas lâcher avant de checker comme vous le faites en général.

Un dernier mot enfin : je n’ai nulle part mentionné le montant misé à la rivière. En règle générale, le montant a peu d’importance et sera le plus souvent assez faible (aux alentours du demi-pot). Dans certaines conditions, il sera possible de miser plus, voire même plus que le pot, pour pousser certains joueurs à aller chercher un héro call comme ils les aiment. Plus généralement, il faut bien être conscient qu’une mise plus forte va induire plus de fold des mains dominées et, donc, être plus délicate à rentabiliser…

PLUS D'ARTICLES

En savoir plus