Livre poker : 'All In' par Jerry Yang

29 Juillet 2011

Chad Holloway

Le poker est un domaine qui a déjà été abordé de bien des manières et les livres traitant de ce jeu sont légion. Certains sont des mines d'or, d'autres ne valent ni votre temps ni votre argent. Celui que vient de publier l'ancien Champion du Monde Jerry Yang, baptisé 'All In', semblait devoir rejoindre la seconde catégorie mais s'est finalement révélé une très bonne surprise. A tel point que nous avons même décidé de joindre son auteur pour en discuter avec lui.

Jerry Yang a engagé Mark Tabb, un écrivain respecté, pour l'aider à écrire 'All In'. Je mentirais si je vous disais que je n'ai pas laissé échapper un petit sourire la première fois que l'on m'a parlé de ce bouquin. Mais comme j'en avais déjà reçu une copie en juin, avant même sa sortie, j'ai décidé de lui accorder le bénéfice du doute et d'en tourner quelques pages. Et bien j'ai fini par le dévorer d'un bout à l'autre, un peu honteux d'avoir autant sous-estimé Mr. Yang, que ce soit sur la forme ou sur le fond.

'All In' en quelques mots

Il y a en fait deux histoires dans ce livre : le périple de Yang des champs de bataille du Laos jusqu'aux Etats-Unis d'une part, et puis bien sûr le récit de sa victoire au Main Event des WSOP en 2007 d'autre part, qui lui a rapporté 8,2M$. Avant de lire 'All In', la vie de Yang m'était totalement inconnue. Tout ce que j'en savais, c'est que c'était un amateur de Californie, à la tête d'une famille très nombreuse, qui s'était avéré suffisamment chanceux pour aller dévaliser le plus grand tournoi de poker du monde. Mais maintenant que j'ai lu ce livre, mon opinion sur le personnage a totalement changé. Que vous l'aimiez ou que vous le détestiez, Yang mérite vraiment son titre. Et je ne pensais pas pouvoir écrire ça un jour.

J'ai été captivé par le récit de l'enfance de Yang, en Asie du sud-est. Les épreuves, les privations, les dangers qu'il a dû affronter à un très jeune âge et la manière dont il les a surmontés méritent le respect. Honnêtement, apprendre comment il a réussi à se tirer des griffes du Pathet Lao communiste, à la fin de la guerre civile, m'a plus intéressé que la partie traitant du poker. En fait, ce livre sert aussi à remettre le poker à sa juste place et à se souvenir qu'il ne s'agit après tout que d'un jeu, d'un loisir qui ne sert qu'à nous éloigner un temps des vississitudes de la vie. Et voir un homme surmonter tant d'épreuves pour finir par triompher à Las Vegas, c'est une histoire peu banale qui méritait bien un livre.

Yang a réussi à y introduire pas mal d'humour, y compris dans certains de ses dialogues. Sans trop en révéler, voici quelques uns des moments les plus drôles/captivants/dégoûtants qu'il contient.

Jerry tient tête à son Grand père
Jerry découvre la télévision américaine et la Jell-O
La discrimination faite aux Hmongs
Jerry attrape des vers
Le père de Jerry se révèle un personnage drôle et plein de ressources

Dieu et le poker

En lisant "All In', je m'inquiétais de voir Yang s'en servir possiblement pour défendre ses capacités pokéristiques et ses croyances religieuses. On se rappelle à ce sujet qu'il avait longuement prié à la table finale de 2007. Mais mes craintes ont été rapidement dissipées. Il a bien abordé les deux sujets mais d'une manière respectueuse et pleine de tact. Il n'essaie pas de défendre son jeu, qu'il qualifie lui-même d'"ouvert à interprétation", et se contente de décrire son processus de réflexion à mesure qu'il cheminait à travers ce field massif. Yang permet ainsi aux lecteurs de se faire leur propre opinion. De la même manière, il n'escamote pas le sujet des nombreuses prières qui ont pavé sa route vers la victoire, il les explique simplement, sans chercher à convaincre, en demandant juste un peu de tolérance. A chaque fois, j'ai été impressionné par l'humilité et le sens de la mesure dont Yang a fait preuve sur chacun de ces sujets sensibles.

'All in' en détail

Auteur(s) : Jerry Yang avec Mark Tabb
Langue : anglaise
Date de publication : 2011
Editeur : Medallion Press, Inc.
Prix : 17,50€
Nombre de pages : 323

L'interview de Jerry Yang

PokerNews a eu l'occasion de s'asseoir autour d'une table avec Yang et de discuter de son nouveau livre. Voici ce qu'il avait à en dire.
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- Comment est née l'idée de ce livre ?
- Tout d'abord, après avoir remporté le Main Event en 2007, j'ai commencé par faire le tour du pays pour soutenir des tournois de charité. A ces différentes occasions, j'ai été approché par plein de gens qui m'ont dit : "On a entendu parler de votre histoire, avez-vous jamais pensé à écrire un livre ?" Au départ, l'idée ne m'avait même pas effleuré l'esprit, mais plus les gens m'en parlaient et plus tout cela faisait sens.
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- Comment s'est passée votre collaboration avec Mark Tabb ? Comment l'avez-vous rencontré ?
- Je l'ai rencontré par l'intermédiaire de Stephen et d'Alec Baldwin. Il avait aussi écrit leurs livres. Et puis un jour je me suis donc rendu au Festival du Film Indépendant de Sundance, dans l'Utah, où j'accompagnais Stephen. C'est Mark qui est venu nous chercher à l'aéroport et nous avons passé la semaine ensemble.
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- Comment décririez-vous l'accueil réservé à ce livre ?
- Jusqu'à présent, tout se passe bien. Je suis très content. Même en dépit du climat morose de l'économie actuellement, les lecteurs semblent très bien répondre, au sein de la communauté du poker et en dehors. On a déjà organisé une séance de signatures à Fresno et les gens étaient au rendez-vous. On a réussi à écouler tout le stock qu'on avait emporté et même à prendre des commandes ! Du coup, je vais en faire d'autres et, enfin vous savez bien, je croise les doigts.
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- Est-ce que le livre n'est disponible qu'en format papier ou une version électronique va-t-elle sortir bientôt ?
- Je crois qu'il est déjà disponible en ligne, dans les deux formats.
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- Dans le livre, vous racontez l'histoire de votre vie et la croisez avec celle qui vous a mené jusqu'au titre de Champion du Monde en 2007. Pourquoi avoir écrit le livre de cette manière ?
- Parce que je pense qu'en un sens ma vie est très similaire à mon parcours dans le Main Event; Il y a eu des hauts et des bas, pas mal de situations où je me suis retrouvé à tapis et l'histoire de ma vie c'est la même chose. Par exemple, j'ai été à plusieurs reprises confronté à des situations où ma vie était en jeu, que ce soit dans le monde réel ou durant mon 'run' en 2007. Je voulais donc établir un parallèle entre les deux, que le lecteur puisse comprendre en quoi mon amour du poker est lié aux événements que j'ai dû surmonter au cours de ma vie. Les deux vont de pair et j'espère que les lecteurs qui ne sont pas familiers du poker y trouveront plus d'intérêt présenté de cette manière.
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- Il y a un autre sujet que vous abordez dans votre livre, c'est l'origine de votre surnom“The Shadow” (NDLR : l'ombre). Vous pouvez nous en parlez ?
- Lorsque j'ai commencé à jouer au poker, je commettais l'erreur classique de disputer trop de mains ; Malgré tout, j'ai eu pas mal de chance au départ et beaucoup de joueurs étaient énervés parce que je distribuais des 'bad beats' à la pelle. Je me rappelle d'un monsieur en particulier qui n'arrêtait pas de s'en prendre à moi. Il était furieux et me disait sans cesse : "Tu es comme une p****n d'ombre qui me colle aux basques pour me punir." Plus j'y pensais et plus l'idée me plaisait. Le surnom vient de là.
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- Après votre victoire, plutôt que de voyager sur le circuit des tournois, vous avez préféré utilisez votre notoriété nouvellement acquise pour lever des fonds en faveur de différentes causes humanitaires. Pourquoi avoir fait ce choix ?
- Vous avez lu mon livre et, donc, vous savez déjà que ma vie n'a pas été facile. J'ai eu faim, j'ai eu soif, j'ai été très malade à plusieurs reprises. Une fois, ma famille avait même commencé à organiser mes funérailles ! Mais j'ai fini par m'en remettre. Et je ne le dois pas uniquement à Dieu, je le dois aussi aussi aux gens qui me sont venus en aide. j'ai une dette envers la communauté. Mon combat principal, celui que je continue à mener, c'est celui des enfants défavorisés.

Je veux récolter de l'argent pour leur venir en aide, pour les soigner, pour construire des maisons Ronald McDonald, pour exaucer les derniers voeux de ceux qui sont mourants. Ce sont ces moments-là qui donnent vraiment un sens à ma vie . . .. Bien sûr, je n'ai pas renoncé au poker, mais disons que c'est maintenant que je peux faire le plus de bien autour de moi, pas quand tout le monde m'aura oublié. Alors j'essaie d'en profiter.

Conclusion

Que vous soyez fans ou critique de Jerry Yang, il faudrait un coeur de pierre pour ne pas tomber en empathie avec ce type. C'est vrai, la victoire de Yang il ya quatre ans restera toujours ouverte à interprétation mais ce qui est clair, c'est qu'il a su se servir du poker pour capturer ce qui reste du rêve américain. Déjà, pour cette simple raison, 'All In' fait partie des meilleures autobiographies du poker. C'est l'histoire d'un héros modeste, d'un petit immigrant qui est devenu un champion, au poker comme dans la vie.
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Evaluation PokerNews : 85% (Chaudement recommandé)

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Chad Holloway