Livre Poker : "Phil Gordon's Little Gold Book"

12 Octobre 2011

Six ans après la publication de son Little Green Book, j'avais hâte de voir si Phil Gordon était parvenu à s'adapter à l'évolution du jeu. “Je suis un dinosaure du poker” admet Gordon dans un de ses ouvrages, “Ce sont les jeunes qui dominent”.

Phil Gordon n'a pas tort. Même si ses premiers résultats remontent à 2000, il a vraiment fait son entrée sur la scène du poker au moment du poker boom, en remportant le WPT Bay 101 Shooting Stars 2004 et les 360.000$ qui l'accompagnaient. Depuis, on l'a vu commenter 42 épisodes du maintenant défunt Celebrity Poker Showdown, écrire quantité de livres et décrocher 3M$ de plus en tournoi.

Mais il faut bien admettre que Gordon était sorti du radar ces derniers temps. Depuis 2009, il a accumulé 11 places payées, sa meilleure étant une victoire au tournoi de charité Ante Up for Africa Charity Event lors des World Series of Poker 2010. Grand Seigneur, il a reversé l'intégralité des 129.086$ du premier prix à une oeuvre de bienfaisance. Mais Gordon reste critiqué par pas mal de fans de poker, beaucoup mettant en doute la modernité de son jeu et les autres se demandant s'il mérite ou pas son siège au NBC National Heads-Up Championship.

Les apports du livre

Question poker, je pensais moi aussi que les meilleures années de Gordon étaient derrière lui, considérant la priorité qu'il donnait à sa vie de famille à Newport, dans l'Etat de Washington, la place qu'avaient prises ses activités commerciales et le temps qu'il consacrait à la lutte contre le cancer.* Pour être complètement honnête, je ne m'attendais pas à grand chose de ce PGLGB. Eh bien, au final, il m'a appris pas mal de choses. Je l'ai trouvé vraiment utile. Même si j'émettrai aussi quelques réserves.
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Tout d'abord, j'ai été impressionné par la qualité du matériau. Le but de Gordon est de décrire le poker d'aujourd'hui, qu'il a surnommé le “Poker 2.0”. Ce "nouveau" jeu est caractérisé par “un niveau d'aggressivité très élevé, qui conduit à une variance énorme et se traduit par une pression infernale”. Depuis le poker boom, qui s'est produit il y a huit ans, le jeu s'est complètement transformé. Les joueurs qui avaient autrefois du succès n'ont pas réussi à suivre cette évolution du jeu et se sont retrouvés largués. C'était assez rafraïchissant de voir Gordon admettre qu'il fait partie de cette catégorie de joueur et de le voir chercher à comprendre ce qui manque à son jeu.

Pour y parvenir, Gordon se met à explorer le jeu post-flop, les mathématiques sous-jacentes, les combinaisons de range, les expected value (EV) et toutes les subtilités du pot-limit Omaha. Il y a pas mal de concepts avancés à saisir dans PGLGB, complexes mais potentiellement très rentables. Et nulle part on ne s'en rend mieux compte que vers la fin du livre, lorsque Gordon s'asseoit avec trois jeunes superstars du jeu : Phil Galfond, Annette Obrestad et Daniel Cates. Non seulement il parvient à les faire parler sur pas mal de concepts et de variantes mais il recueille également leurs réactions à plusieurs scénariis détaillés qu'il leur à préalablement soumis. C'est sans aucun doute l'une des parties les plus enrichissantes du livre.

J'ai aussi beaucoup apprécié tous les petits 'trucs' distillés par Gordon tout au long de son livre. A un moment, il parle de la règle “As-X”, basée sur les probas et les combinaisons au moment de partir à tapis avec un As faible : “Comptez le nombre de joueurs qui restent à parler derrière vous. Si votre kicker est plus grand que le nombre de personnes restantes, vous êtes favori pour avoir la meilleure main ou au moins un pile-ou-face contre une paire inférieure”. J'ai trouvé ces Gordonismes utiles, bien qu'un peu provoquants, et faciles à retenir.

Phil Gordon s'adresse aux joueurs expérimentés

Comme mentionné précédemment, plusieurs parties du livre sont relativement ardûes. Ses incessantes digressions mathématiques rebuteront certains lecteurs. Cela dit, comprendre les formules et les concepts présentés dans PGLGB est crucial si vous espérez un jour pouvoir rejoindre le top-niveau du poker professionnel. Gordon fait de son mieux pour rendre la pilule la moins amère possible mais il n'en reste pas moins vrai que ce livre s'adresse plutôt à des joueurs de poker expérimentés. En d'autres termes, je ne le donnerais pas à quelqu'un qui est en train d'apprendre à jouer mais je le recommanderais volontiers à un joueur confirmé avec un bonne compréhension du jeu. Ou alors, encore plus simplement dit : C'est le genre de texte à étudier au moment de passer son doctorat de poker.

Voici un bref aperçu du genre de choses que l'on peut découvrir dans PGLGB:
- Examen des fondations du Poker 2.0
- Introduction aux HUD
- Re-examen du no-limit hold’em
- Considérations sur le pot-limit Omaha
- Entretien avec trois “poker whiz kids:” (Phil Galfond, Annette Obrestadet et Daniel Cates)

La part d'ombre du 'Golden Book'

Soyons clair, PGLGB est un livre de qualité qui a eu des apports positifs à mon jeu. malheureusement, je pense que plusieurs facteurs jouent contre ce livre, le moindre n'étant pas son timing. Il a été écrit avant le Black Friday. Gordon y parle de plusieurs logiciels en ligne, comme les Heads-Up Dispalys (HUD) et les simulateurs de range. Même si ces outils sont évidemment cruciaux pour avoir du succès en ligne, les joueurs américains risquent de se sentir moins concernés. En tout cas en ce moment.

Plus pénalisant encore : La proximité entre Gordon et Full Tilt Poker, qui est affichée à plusieurs reprises dans le livre. De même qu'une partie consacrée au "Challenge bankroll" de Chris “Jesus” Ferguson, qui aurait peut-être mérité de se perdre sur la route de l'imprimerie. Malheureusement, le livre était déjà passé sous presse lorsque le Black Friday a éclaté, de même que l'implication supposée de Ferguson dans le scandale.

Facteur agravant, Gordon est resté silencieux sur Full Tilt Poker, à l'instar de pas mal de ses collègues d'ailleurs. Le résultat, c'est que pas mal de “Red Pros” font l'objet d'une mini-chasse aux sorcières ces derniers temps, leur probité étant ouvertement remise en cause. Gordon est lui aussi dans l'oeil du cyclône et les ventes de son livre profiteraient sûrement beaucoup d'un petit communiqué de sa part concernant ses liens avec FTP.

Si l'on excepte les quelques remarques qui précèdent, PGLGB est l'un des meilleurs opus de stratégie avancée disponible actuellement sur le marché des livres de poker. Beaucoup de livres de stratégie se contentent d'égrener inlassablement les mêmes informations, qui ne sont à peu près d'aucune utilité aux joueurs les plus expérimentés. Au contraire, PGLGB apporte vraiment de nouveaux concepts. Le poker est en constante mutation et ce livre finira bien un jour par devenir lui aussi obsolète (ce que Gordon admet volontiers), mais PGLGB apporte ce que l'on attend de lui — il vous met au parfum des dernières évolutions du jeu.

*10% des profits réalisés par le nouveau livre de Phil Gordon iront à PreventCancer.org ou à Bad Beat on Cancer

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