Conquérir ses peurs à une table de poker
"Celui qui a surmonté ses peurs sera véritablement libre." ~Aristote
Quand le risque financier et les informations incomplètes se rencontrent, la peur peut grandir et prendre des proportions parfois paralysantes.
La peur est une réponse involontaire à une menace, elle entraîne une réaction en chaîne qui peut affecter jusqu'à 5 parties différentes du cerveau. En une fraction de seconde, notre réseau neuronal contextualise la peur. Respiration accélérée, pupille dilatée, rythme cardiaque en augmentation, pression sanguine qui s'envole... les réactions physiques déboulent sur votre visage et dans vos gestes. La peur d'être blessé enclenche ainsi une réaction de fuite... ou d'agressivité.
Les menaces enregistrées par votre cerveau interrompent les autres processus en cours dans votre tête, notamment au niveau des émotions et de la réflexion. Il est moins facile de penser et de prendre son temps avant d'agir. Quand le processus de décision est perturbé, nous sommes plus susceptibles de ressentir des émotions très fortes et d'avoir des réactions impulsives... qui peuvent se transformer en erreur grave et coûteuse à la table de poker.
Comprendre nos peurs peut nous aider à identifier (et donc à réparer) les erreurs flagrantes de notre jeu. Voici trois exemples et des stratégies à mettre en place pour augmenter votre espérance de gains.
La peur d'échouer
Que va-t-il se passer si vous perdez tellement d'argent de manière répétée que vous n'avez plus assez de bankroll pour continuer à jouer au poker ?
La peur de l'échec émerge souvent dans les périodes de pertes. L'échec est synonyme de déception pour votre entourage, il veut aussi dire perdre la capacité de jouer et peut entraîner votre esprit dans la spirale sans contrôle de la perte de confiance.
La peur de l'échec vous conduira à ne plus écouter votre instinct au moment voulu, elle vous empêche aussi d'appuyer sur la gâchette quand un moove profitable (mais high-variance) est recommandé.
Vous perdez de la value en checkant quand vous devez miser, en payant simplement quand vous devez relancer ou même encore en jetant vos cartes alors que vous devriez payer. Vous perdez des moyens de faire pression sur vos adversaires quand cette peur vous envahit. Vous perdez votre patience car la peur de l'échec engendre de l'anxiété et de la panique.
Pour passer outre cette peur de l'échec, il faut revenir aux fondamentaux et avoir une gestion de bankroll saine. Votre argent dédié au poker est votre capital. Jouez à vos limites, à des limites qui vous permettent de ne pas être écrasé par les enjeux et d'avoir confiance en vos décisions. Savoir que cette cave n'est pas la dernière et que la perdre ne vous empêchera pas de jouer la semaine prochaine ou demain est très important.
On s'amuse aussi aux plus petites limites... avec un esprit pas accaparé par la survie de votre bankroll, elle peuvent aussi être très (très) profitables.
La peur de rater quelque chose
"Turn around and just tease me, baby" nous expliquent Cardi B et Bruno Mars ! Dans une salle de poker aussi il y a moyen d'être excité par les jackpots ou le Bonus Grosses Mains... même la seconde avant le déroulement du board est excitante au plus haut point. Ainsi, dès que je rends deux cartes suitées au croupier avant la révélation des cartes communes, ce moment d'anticipation se transforme en la peur de rater quelque chose. Cela m'a poussé à jouer des mains qu'il faut folder préflop !
Cette peur de rater la bonne opportunité affecte le cerveau et votre processus de décision. Les meilleurs pros vont peut être imprimer de l'argent en ouvrant avec J♥7♥ en début de parole mais la plupart d'entre-nous n'en sont pas capables.
Si vous vous retrouvez souvent avec des décisions difficiles hors de position, demandez-vous si cette peur de rater quelque chose n'est pas ce qui provoque votre habitude de jouer un éventail de mains préflop largement au dessus de votre niveau réel. N'êtes vous pas en train de dilapider votre tapis à la poursuite d'un flop chanceux ? N'êtes vous pas en train de tenter de copier un mauvais joueur qui a gagné un pot monstrueux avec une poubelle ?
Pour combattre ma propension à me laisser entraîner dans des combats compliqués, je n'ai rien trouvé de mieux que le tableau auto-fold de Tommy Angelo. C'est la meilleure manière de retrouver un peu de discipline... et même si vous ratez quelques flops, votre profitabilité à long terme a largement augmenté !
La peur de l'inconnu
Ne pas savoir ce qu'avait votre adversaire, ne pas connaître la rivière... La curiosité est un vilain défaut selon le proverbe et au poker cela peut coûter cher.
Vous avez brelan et un adversaire mise après qu'un 4e carreau soit tombé à la rivière... Le crying call est tentant mais vous faites face à un opposant très passif, qui ne mise jamais rien d'autre que la couleur ici. Vous n'en serez jamais sûr à 100% en rendant sagement vos cartes au croupier et la peur de l'inconnu, de ne pas savoir avec certitude vous pousse à payer.
Quand Vilain dévoile sa couleur, vous ne pouvez pas vous empêcher de lâcher le fameux "Je le savais mais j'étais obligé de payé". Ah bon ?
Si la peur de rater quelque chose affecte souvent le jeu préflop, la peur de ne pas savoir résonne souvent dans votre tête quand vous êtes en head's up au tournant ou à la rivière. Quand vous êtes battu, payer pour confirmation revient vite très cher, spécialement sur les streets où les misent deviennent beaucoup plus importantes.
Vous entendez parler de bluffs légendaires et de "Hero calls"... tentez d'ajouter les "Hero Folds" à votre vocabulaire.
Tout le monde aime se prendre pour Superman, mais ne vous laissez pas entraîner par votre égo. Si vous réalisez que la seule chose qui vous empêche de folder reste votre peur de ne pas savoir... lâchez prise et congratulez-vous tout seul. Souvenez-vous que ne pas savoir reste plus profitable que d'avoir la confirmation que vous avez perdu cette main.
Conclusion
L'échec, la peur de rater quelque chose ou de ne jamais savoir les cartes de vos adversaires... Partez à la conquête de vos peurs et libérez vos émotions pour atteindre une plus grande sérénité et jouer votre meilleur poker.
David Bass joue principalement en Live et écrit sur le poker depuis 2012. Vous pouvez le suivre sur Twitter @KKingDavidPoker ou sur son blog, They Always Have It disponible à l'adresse https://kkingdavid.com/.