Poker : Quand vos superstitions vous coûtent de l'argent
Quel meilleur jour qu'un vendredi 13 pour parler des superstitions au poker ? Il y a quelques semaines en feuilletant un vieux numéro du magazine ESPN, je suis tombé sur une citation d'un joueur de NHL, la ligue nord-américaine. : Tyler Seguin. Ce joueur de hockey préfère s'en remettre à son talent et à son travail plutôt qu'au destin.
Les mecs superstitieux de l'équipe me trouvent un peu bizarre... Je suis anti-superstition. Si je prépare ma crosse d'une certaine façon et que je plante un triplé lors du match, je vais préparer le grip de ma crosse différemment lors du match suivant. Je veux toujours pouvoir me dire que ce n'est pas à cause de cela, je peux tout changer et ma performance ne dépend encore que de moi.
S'il faut sportifier le poker, l'approche de Seguin résonne dans mon esprit. Je souhaite d'ailleurs pouvoir persuader tous les joueurs d'adopter un état d'esprit similaire. La tâche s'annonce énorme puisque les superstitions sont bien ancrées chez les joueurs. Les casinos voient leur affluence augmenter de 40% environ en ce jour spécifique !
J'ai collecté pour vous quelques exemples et je vais tenter de vous expliquer pourquoi se laisser diriger par ses superstitions peut être dangereux pour votre bankroll.
En 2007, Frank Rusnak a terminé 6e du World Poker Tour Caribbean Poker Adventure. Voilà ce que l'on pouvait l'entendre dire durant la retransmission télévisée !
Je ne me considère par comme quelqu'un de superstitieux mais chaque jour depuis que je suis là j'ai mis en place la même routine. Je prends le même chemin à l'intérieur du casino depuis le début du tournoi. J'aime garder les choses à leur place car je ne veux ma jynxer. J'ai essayé de tout refaire à l'identique.
On peut se demander comment un joueur qui suit ses propres traces tous les jours à l'intérieur d'un casino peut se définir comme quelqu'un de non superstitieux !
Commentatrice du TV show Cash Poker aujourd'hui disparu Kristy Gazes a pu apercevoir Todd Brunson enlever sa casquette juste avant de miser. Voilà ce qu'elle a lâché à l'antenne.
C'est une belle mise et il a retiré sa casquette. Je ne sais pas si j'aime ça. Il a enlevé ça en plein milieu d'une main et si l'on parle superstition, cela peut jouer contre lui. Je dis juste ça pour ceux qui y croit comme moi mes amis.
Oui, cela "peut jouer contre lui dans cette main". Oui cela peut aller AVEC lui dans cette main... Ou dans 13 mains... ou dans une année. Comme les superstitions ne sont qu'un produit de votre imagination vous pouvez d'ailleurs imaginer tous les effets qui vous intéressent !
Un ami à moi y est allé de sa contribution sur un forum lui aussi.
Je mélange toujours mes cartes privatives 6 fois avant de les regarder. Si je ne le fais pas, c'est sur que je vais perdre avec. Je sais que ce mélange n'a véritablement aucun effet et ne fait aucune différence... mais c'est une tradition.
Mon ami lutte avec ses propres croyances. De manière rationnelle, il sait que son mélange ne changera rien mais il n'arrive pas à s'en échapper. La peur d'arrêter, et donc de perdre, est trop forte. Voila un exemple de la raison pour laquelle il faut combattre ses propres superstitions dès qu'elles apparaissent. Si elles prennent racine, elles sont bien plus dures à combattre.
Gavin Smith y est allé de son couplet aussi lors du NBC National Heads-Up Poker Championship 2007.
La première fois que je suis venu à Las Vegas et que j'ai joué les World Series en 2004, mes cheveux étaient plutôt longs. J'ai fait un bon festival... et après ma copine de l'époque m'a coupé les cheveux. J'ai fait des tournois pourris et j'ai bad run durant 3 mois. J'ai donc décidé que mes cheveux me portaient chance et je les laisse pousser depuis octobre 2004.
Le Canadien aux 6 millions de dollars de gains en live a depuis coupé sa tignasse... mais toutes ces anecdotes montrent selon moi les dommages que peuvent engendrer trop de superstitions. Quand l'irrationnel prend le dessus, il obscurcit les véritables raisons qui font de vous un joueur gagnant ou perdant. Si Smith pense qu'il a été du mauvais côté de la variance à cause de sa coupe, comment examiner à la loupe les coups joués et trouver les mauvaises décisions prises qui sont les véritables raisons des ses pertes ?
Si Rusnak s'est autorisé à penser qu'il était allé loin dans un énorme tournoi car il avait trouvé le chemin magique le menant de sa chambre à l'intérieur du casino, il n'a plus besoin de réfléchir aux raisons qui ont fait que son jeu était en place à ce moment là. Peut être avait-il été plus agressif que d'habitude, ou un peu moins, mais il ne sera pas capable d'analyser les bénéfices qu'il en a tiré car il s'est concentré sur le moyen de ne pas se jynxer.
Si Gazes est concentrée sur la chance et a développé une obsession pour trouver des causes passées affectant le déroulement d'une main, on parle d'enlever sa casquette, il est difficile d'évaluer l'énergie mentale et psychologique qu'il lui reste pour étudier les autres informations à sa disposition où les fréquences de mises de ses adversaires.
Mon ami qui compte lui avec attention le nombre de fois où il fait passer ses cartes l'une sur l'autre rate probablement les tells de ses adversaires et le joueur juste à sa gauche qui trépigne d'avoir trouver AxAx.
Pour ma part, j'ai utilisé la même pièce à 1 dollar en argent comme protège carte. Je ne suis pas superstitieux, j'aime simplement cette pièce. Elle est fonctionnelle, facile à emporter partout et plutôt esthétique mais à chaque fois que je la sors, un adversaire ne peut s'empêcher de me demander si c'est ma "pièce porte bonheur".
Avant, je disais la vérité et je répondais "non, je l'aime bien c'est tout". Mais depuis quelques temps je préfère répondre simplement "oui". Je veux simplement que mes adversaires pensent que je suis chanceux. Beaucoup de joueurs craignent plus un joueur chanceux qu'un joueur talentueux qui réfléchit. En général, je veux que mes opposants pensent que je suis superstitieux car cela obscurcit leur jugement. J'essaye par ce biais de les faire penser moins rationnellement.
Pour mes lecteurs, au contraire, je veux le meilleur. Je souhaite donc que vous nettoyez vos pensées et les conclusions que vous avez tirées d'événements "chanceux" ou "malchanceux". Pensez à ces épisode qui affectent vos comportements à la table et tentez de vous en échapper.
Réalisez, comme Tyler Seguin, "que cela n'a rien à voir, je peux tout changer et ma performance ne dépend encore que de moi".
Robert Woolley a habité quelques années à Las Vegas et tient la chronique de ses aventures poker sur le blog Poker Grump