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Stratégie Poker - quand NE PAS relancer

6 min à lire
stratégie poker ne pas relancer

Pour les joueurs débutants, l'un des premiers fondamentaux à intégrer est de ne pas sous-jouer : si vous avez une grosse main et que c'est probablement la meilleure, relancez. C'est un principe crucial mais, lorsque vous aurez amélioré votre jeu, vous réaliserez qu'il existe un certain nombre de situations où la meilleure option est de faire l'exact inverse de cette règle de base. L'exemple que nous allons développer vous montrera - à condition bien sûr que vous soyez d'accord avec notre raisonnement - que même les meilleurs joueurs sont capables de commettre des erreurs très coûteuses.

A chaque fois que vous avez une décision à prendre, vérifiez si au moins trois des quatre conditions suivantes sont vérifiées. Si elles le sont, ralentissez l'action et contentez-vous de payer.

1)
 Vous avez une grosse main, mais relancer reviendrait à la rendre transparente pour l'adversaire. Et il couchera la majorité des mains que vous battez.


2) Il y a des chances, vu le tableau et les séquences de mises sur cette main, que votre très forte main soit malgré tout battue. En relançant, vous pourriez vous piéger vous même et perdre tous vos jetons.


3) Vous et votre adversaire avez tous deux des tapis profonds. Un scénario typique : Une relance impliquerait 15 à 20% de votre stack restant. Par conséquent, votre adversaire pourra lâcher le coup s'il est battu mais il est probable que vous finirez par investir l'intégralité de votre tapis si votre adversaire dispose d'une des mains qui vous bat.


4) Le plus gros danger de ne pas relancer est bien entendu de donner une carte gratuite. Donc, si vous vous contentez de payer, il faut que le risque que votre adversaire améliore sa main reste faible. Dans cette optique, il vaut mieux que votre adversaire ait déjà une main faite plutôt qu'une main à tirage.

Les conditions 1) et 2) sont les plus importantes. C'est principalement à leur aune que vous devrez envisager une relance - combien y a-t-il de mains que vous pouvez battre et qui vous suivront, comparé au nombre de mains qui vous battent (et qui vous calleront automatiquement!). Si ces mains dangereuses sont plus nombreuses que les mains perdantes avec lesquelles votre adversaire continuera malgré tout le combat, vous devriez adopter une attitude conservatrice et vous contenter de payer.

La camouflage du 'call'

Il existe bien sûr d'autres raisons d'opter pour un simple 'call'. En payant plutôt qu'en relançant, vous représentez un éventail de mains beaucoup plus large aux yeux de votre adversaire. Cela pourra l'inciter à miser avec une main marginale, afin d'essayer d'extraire de la valeur à la rivière. Mieux encore, cela pourrait l'encourager à continuer son bluff. Toutes choses que vous le priverez de faire si vous relancez au turn. Mais sous-jouer de cette manière devrait rester une simple option, et non pas votre unique plan de bataille; en général, jouer de manière agressive évite de laisser des cartes gratuites à l'adversaire. En règle générale, relancer offre une espérance de gains positive.


Exemple

L'exemple qui illustre ce principe est tiré de l'émission télé "High Stakes Poker". Dans cette main, le commentateur trouvait dangereuse la relance de Guy Laliberté. Et j'étais d'accord avec lui à 100%.

Laliberté détient 109. Sur le flop Q98, Sam Farha et lui callent la mise de Barry Greenstein, qui possède AQ. Laliberté est récompensé par un 9 au turn, qui lui fait brelan, et c'est à lui de parler après qu'une nouvelle mise de Greenstein ait été suivie par une grosse relance de Farha. En fait, Farha est en train de bluffer avec J7 (soit un simple tirage de quinte ventrale) et essaie de représenter le genre de mains que Laliberté possède.

Les profondeurs de tapis sont très dangereuses; avec 80.000$ au milieu et des stacks autour de 400.000$, une relance de Laliberté lui coûtera probablement l'intégralité de ses jetons si Farha possède bien le genre de mains que sa relance semble impliquer. On peut donc d'ores-et-déjà cocher la condition 3) du début.

Pourquoi ne faut-il pas relancer?

Le turn a été très bon pour Laliberte - Il est très probablement repassé devant grâce à cette carte. Alors pourquoi ne pas relancer ?

La main de Laliberte est très forte mais pas imbattable; n'importe quel joueur avec un Neuf possède sans doute une kicker qui le bat, et il y a évidemment des possibilités de quinte et de full au tableau.

Si nous nous remettons en tête les conditions 1) et 2), nous constatons qu'elles sont parfaitement satisfaites. Il y a suffisamment de mains plus fortes possibles pour causer du souci à Laliberte, mais sa relance va permettre à n'importe quelle main inférieure de s'échapper à bon compte. De plus, une relance dans ce spot est beaucoup trop visible, elle renseigne parfaitement ses adversaires sur la force de sa main. Relancer quelqu'un qui vient d'opérer un 'check-raise' dans un pot à trois dénote une très grande force et alertera ses adversaires. En conséquence de quoi, Laliberte ne tirera aucune valeur des mains inférieures qui pourraient lui être opposées. Il permet seulement à Farha de mettre un terme à son mauvais bluff.


Peut-il se permettre de donner une carte gratuite ?

Donner une carte gratuite n'est jamais sans danger, mais Laliberte n'était pas vraiment menacé. Sur un turn qui donne un tableau non-assorti, il n'y a aucun danger que son brelan se fasse battre sur le fil par une couleur éventuelle.


Un brelan 'tranquille'

Laliberte détient une très belle main, que nous appellerons un brelan 'tranquille'. Elle apparaît sur un tableau plutôt connecté, mais où Laliberté n'a rien à craindre des tirages. Un Valet lui donnerait la quinte tandis qu'un Dix lui ferait full (et quinte pour Fahra!). En fait, en relançant, il s'est privé de toute chance de piéger son adversaire.

On parle de brelans 'tranquilles' avec des mains comme 76 sur un tableau 8664, ou KJ sur un tableau JJ109. Utilisez ce genre de flexibilité, que l'on ne trouve habituellement qu'en Omaha, en vous contentant de payer. Vous ne devriez pas décourager vos adversaires si tôt dans le coup.

Ainsi, la condition n° 4) est presque entièrement satisfaite. Avec cette relance, le seul risque que Laliberte a écarté est celui de voir Greenstein rester dans le pot et toucher une Dame à la rivière. Quoi qu'il en soit, le danger que représentent deux Outs n'est pas suffisant pour ne plus vouloir de Greenstein dans ce pot. En relançant, Laliberté se prive de la possibilité de voir Greenstein rajouter de l'argent au pot en le payant, ou de voir Farha tenter de poursuivre son bluff à la rivière.

Mais son erreur aurait pu être beaucoup plus coûteuse encore. Si vous vous retrouvez dans une situation où vous touchez un brelan 'tranquille' sans être sûr d'être devant, ne vous emballez pas. Contentez-vous de payer.

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