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Poker et finance (5) : les 'Market Wizards'

6 min à lire
poker et finance

Le profil de joueur de poker est de plus en plus recherché dans les métiers de la finance. On a déjà vu des banques d'investissement sélectionner leurs nouveaux traders en organisant des cash-games de Texas Hold'em no-limit. Pourquoi ? car ce sont deux professions qui réclament peu ou prou les mêmes qualités : la capacité à arbitrer risques et profits en faisant appel aux probabilités, à analyser rapidement des situations complexes et à gérer prudemment son capital.
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Cet article est le dernier de la série consacrée aux similitudes entre marchés financiers et poker. Aujourd'hui, nous allons laisser la parole aux traders eux-même. Leurs réflexions sur la vie en salle de marché et sur les facteurs qui leur ont permis de connaître le succès ont été compilées dans une étude de Jack D. Schwager intitulée "Market Wizards". En voici quelques extraits marquants.

Les traders fans de poker

Commençons par le plus anecdotique, avec quelques hommages directement empruntés au champ lexical du poker. Gary Bielfeldt, trader émérite, raconte souvent l'histoire suivante : "Mon père m'a appris l'importance des probabilités au poker. On doit seulement jouer ses bonnes mains et défausser les poubelles, même en sacrifiant l'ante. Si vous appliquez les mêmes principes à la bourse, cela augmente significativement vos chances d'y gagner de l'argent. J'ai toujours essayé de garder dans un coin de ma tête ce concept basé sur les bénéfices de la patience..."

Quant à Larry Hite, ex-acteur, ex-scénariste, ex-promoteur rock et aujourd'hui trader de son état, il a toujours gardé en mémoire ces deux règles de base de son métier : "Si tu ne mises pas, tu ne gagnes pas ; et si tu as perdu tous tes jetons, tu ne peux plus miser".

James Rogers, co-fondateur de Quantum Fund avec la célèbre financier George Soros, partage apparemment les mêmes références pokéristiques : "Sachez quand conserver et quand liquider une position perdante". Peu ou prou les paroles du "Gambler", l'hymne au poker signé Kenny Rogers : "You got to know when to hold'em, know when to fold'em"...

Michael Markus : bankroll, sélection de table et 'grinding low stakes'

Lorsqu'on cherche à préciser un peu, on se rend compte que beaucoup de traders s'imposent une ligne de conduite que ne renierait aucun "grinder" professionnel. C'est par exemple le cas de Michael Marcus, trader sur le marché des matières premières : "Ne consacrez jamais plus de 5% de votre argent à un investissement donné. (...) Fixez-vous des limites. Si vous commencez à vous posez des questions sur une position, que vous ne savez pas trop quoi faire, vendez. Tant que vous êtes partie prenante sur le marché, vous n'êtes pas objectif. Après avoir liquidé vos positions, vous aurez à nouveau les idées claires. La règle sans doute la plus importante est de conserver ses positions gagnantes et de liquider le plus vite possible les perdantes." En somme, il s'agit ni plus ni moins de maximiser ses gains, minimiser ses pertes, quitter la table quand on n'est plus lucide et maintenir une gestion de bankroll stricte.

Quand on lui demande ce qui lui fait vraiment gagner de l'argent, Markus répond comme un joueur de cash-game : "Tous mes profits viennent d'un petit nombre de positions. Les autres se compensent et parviennent juste à l'équilibre (break even) tout en me maintenant occupé". Compris ? D'ailleurs, ça marche aussi en tournoi : enlevez à un très bon joueur ses trois gains les plus conséquents sur l'année en MTT et vous verrez que le reste de ses résultats rembourse tout juste ses buy-ins.

Pour le reste, Markus propose un subtil dosage entre prise de risques et mesures de prudence : "Il est très important de croire en son instinct. Pour être un trader à succès, il faut aussi une certaine dose de courage : le courage d'entreprendre, de se planter, de réussir et aussi de persévérer quand les éléments se font contraires.(...) Je n'achète pas d'action du Dow jones. Je préfère les plus modestes, celles dont les cours ne sont pas dominés par les gros traders institutionnels, une bande de requins se bouffant les uns les autres". Chez le trader comme chez le joueur de poker, un souci commun : ne pas se "tromper de table" en s'asseyant avec les "sharks"...

Richard Dennis : une question de tilt, d'ego et de style

Richard Dennis est une légende vivante du monde des affaires. Son titre de noblesse est d'avoir transformé 400$ en 200 millions de dollars au cours de sa carrière. Lui est plus sensible aux aspects psychologiques du métier de trader : "J''ai appris à éviter les paris de type 'quitte ou double'. J'ai aussi appris qu'un certain niveau de pertes peut affecter votre jugement, si bien qu'il est préférable de laisser passer un peu de temps entre cette perte et votre passage d'ordre suivant (...) L'une de mes forces, c'est que je je sais tourner la page. Je me fiche de l'erreur que j'ai commise il y a trois secondes, je suis déjà en train de penser à ma décision suivante. j'essaie d'éviter tout attachement émotionnel au marché".

Tout joueur de poker le sait bien : son pire ennemi, c'est soi-même. Dennis ne dit pas autre chose : "Ne soyez pas un héros, ne laissez pas votre ego se mettre en travers de votre route. Remettez-vous constamment en question. Ne vous dites jamais que vous êtes vraiment très fort. A la seconde où cette pensée surgira dans votre esprit, vous serez un homme mort. Si vous faites un bon bénéfice sur un ordre, ne vous dites pas que c'est parce que vous avez un don. Gardez confiance en vous mais ne vous laissez pas enivrer par le parfum du succès. (...) Mes plus grosses pertes, je les ai toutes essuyées immédiatement après une période faste qui m'avait rendu euphorique."

S'il jouait au poker (mais peut-être est-ce le cas), Richard Dennis aurait d'emblée la bonne intuition d'adopter un style tranché ; on le devine à l'arbitrage qu'il rend entre spéculation à court terme et investissement à long terme : "Tout dépend de votre style. Le secret, c'est de jouer à très court terme ou à très long terme. La plupart des 'suiveurs de tendance' optent pour une sorte de stratégie médiane, alors que le milieu c'est ce qu'il faut éviter comme la peste".

Bruce Kovner : jouer à contre-courant et éviter d'être 'result oriented'

Ultime choix de ce tour d'horizon, Bruce Kovner possède une double-casquette, celle de trader et de professeur à Harvard. Et lui aussi à une idée très nette des qualités que doit posséder le 'golden boy' parfait : " Il est fort, indépendant, prêt à prendre des position que les autres ne prendraient pas et suffisamment discipliné pour investir le juste montant. Les traders trop gourmands foutent toujours tout en l'air". Mais sa principale force est encore ailleurs, selon Kovner : "N'importe quel jour, je peux essuyer une perte de plusieurs millions de dollars. Si je me mets à penser à ces pertes, je ne pourrais plus exercer. Perdre de l'argent ne m'a jamais gêné, tant que ces pertes découlaient d'une technique de trading préalablement validée." Un joueur de poker pro dirait qu'il faut éviter d'être 'result oriented' mais la philosophie est strictement la même.

Etoro : Techniques de Trading pour améliorer son Poker

Poker et finance (5) : les 'Market Wizards' 101

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