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La hand range, une lecture délicate mais indispensable (Kipik poker)

11 min à lire
Kipik

Je voudrais parler d’une main jouée par un joueur avec qui je discute beaucoup en ce moment. Cette main présente de nombreux intérêts stratégiques. Elle nous amène cette semaine à aborder certains raisonnements «avancés» en matière de lecture du jeu adverse.

Pour résumer, tentez de comprendre quel effet une mise ou une relance peut avoir sur la range adverse et comment la réponse modifie à nouveau les choses. Cela demande quelques efforts. Mais qui en valent la peine...

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La main se joue sur une table de six joueurs et notre «Héro», en premier de parole, relance classiquement avec JJ. Tout le monde se couche jusqu’au joueur de Petite Blinde (SB) qui surelance et Héro décide de payer. Le flop vient 8910, la SB fait une mise de continuation et notre Héro relance.
A première vue, la main m’a semblé banale. Héro a une énorme main. Il se retrouve au flop avec overpair (paire au-dessus du flop) et tirage quinte par les deux bouts. Time to gamble, baby ! Ou pas…

On respire un grand coup et on réfléchit

Pour l’instant, la seule chose à laquelle nous avons réfléchi, c’est notre main. En apparence un monstre… Intéressons-nous un peu à ce que peut avoir notre adversaire.

Vilain est un joueur très serré

Vilain surelance (3bet). Et, plus encore, il 3bet un joueur en début de parole. Si notre image n’est pas celle d’un maniaque, Vilain a ici une hand range (son éventail de mains possibles) très étroit. Probablement quelque chose du genre paire de Dames et mieux ou As-Roi : {QQ+, AK}.

Contre un tel range, notre paire de Valets est toujours devant (55/45%). Reste un souci : cela suppose que Vilain ait opté pour une mise de continuation avec AK sur un flop 8910 qui est une horreur pour ce genre de main. S’il ne fait cette mise de continuation qu’avec les As-Roi assortis ayant un tirage couleur et seulement la moitié du temps avec les dépareillés, notre situation est déjà moins avantageuse (on joue un coinflip). Et, même si c’est le cas, si l’action s’emballe (on relance), alors on ne peut pas décemment espérer que Vilain nous paie avec AK. Il va généralement abandonner après sa mise de continuation et sa range pour poursuivre la main plus avant se resserrera encore. Rien ne nous laissant supposer que Vilain soit capable de coucher une overpair, sa range sera alors {QQ+} et notre JJ est alors loin derrière, 34/66%.

Vilain est toujours serré mais plus agressif.

Disons qu’il ne tient pas trop compte de notre position et décide de surelancer sa range standard de 3bet pour value {99+, AQ+}. Au flop, notre équité a joliment augmenté : 59/41%.

Certes, il a touché potentiellement quelques brelans mais l’essentiel de sa range est constitué de gros As qui n’ont pas amélioré. Si on imagine toutefois qu’il abandonne encore ses As-Roi, on en revient encore et toujours à un coinflip. La grosse inconnue dans cette situation sera sa capacité à poursuivre plus avant avec ses As-Dame (s’il imagine avoir deux overcards et tirage quinte) ou à les abandonner (risque de brelans, ses cartes au-dessus du flop seront rarement toutes vivantes, de même pour son tirage quinte). Dans le doute, imaginons qu’il ne poursuit avec AQ qu’une fois sur deux. Notre main passe légèrement derrière, 47/53. S’il couche systématiquement AQ, alors sa range {99+} est favorite, notre JJ est derrière, encore 34/66%.

Vilain joue un jeu nettement plus large

Si vilain est un joueur large et agressif, sa range va évidemment s’ouvrir. Et notre équité au flop va progresser d’autant. On peut facilement se retrouver à jouer un 60/40%. En tout cas, là encore, en théorie. Parce que, en pratique, si Vilain nous donne de l’action ensuite, sa range va évidemment se «resserrer». Même s’il poursuit cette main avec une range aussi large que {88+,ATs-AJs, 67s-QJs}, notre équité contre sa range est nettement moins excitante qu’on pourrait l’imaginer : notre JJ joue un 42/58%.

Nos actions changent la range de notre adversaire

Certes, notre JJ a, en apparence, trouvé un joli flop. Tel quel, notre main est probablement favorite, avec entre 55 et 60% d’équité selon le profil de vilain. Et la relance semble évidente. Seulement, voila : dès qu’on relance, la range de notre adversaire se resserre et aboutit à une nouvelle range qui nous devient extrêmement défavorable.

Relancer parce qu’on est favori est un concept erroné. C’est pourtant ce que vous pourrez lire dans de nombreux livres sur le poker… qui commencent sérieusement à dater.

On relance essentiellement pour deux raisons : pour prendre plus d’argent à des mains qu’on domine (raise pour value); ou pour faire coucher des mains qui nous dominent (bluff raise).

Dans le cas de notre JJ, il est illusoire de croire qu’on fera coucher une main qui nous domine (overpair ou brelan pour l’essentiel). Notre relance serait donc presque exclusivement une relance pour prendre de la valeur. Malheureusement, quand on y regarde bien, il n’existe presque aucune main que l’on batte au flop et qui soit à même de nous payer. Même la range large d’un joueur agressif, qui comprend quelques mains en mauvaise situation (A10, AJ, J10) nous est clairement défavorable.

Si on raisonne sur notre seule main, qui peut nous sembler un monstre (overpair + tirage quinte), notre désir devrait être grand de mettre le maximum de jetons en jeu au flop. Hélas, la situation est nettement plus complexe. Notre action (relance) va modifier l’éventail de mains possibles de notre adversaire au point que, plus on va chercher à mettre d’argent dans le pot, plus la range adverse nous sera défavorable.

Tout ce qu’une relance produit ici, c’est d’amener notre adversaire à coucher des mains comme AQ ou AK, contre lesquelles on est favori à 80%. Et à se recentrer sur la portion forte de ses mains, qui est favorite à 60-66%. Pas vraiment le résultat espéré…

Dans la tête de notre adversaire

Le joueur en premier de parole relance et on décide de le surelancer. Il paie notre 3b et le flop vient 8910. Notre mise de continuation est relancée.

Si notre adversaire est un joueur très large, capable de relancer et payer préflop avec de nombreux As moyens ou des connecteurs assortis, ce flop va se connecter avec énormément de ses mains. Il y aura certes quelques AJ ou KJ dans son range, ainsi que des paires de Valets, mais il aura également beaucoup de brelans, de doubles paires ou de paires + tirage quinte. Si on a AA dans cette situation, on peut difficilement espérer jouer mieux qu’un coinflip. C’est encore pire si on a KK (38/62). QQ est à 44/56. Pareil pour les Valets. On est évidemment largement favori si on a touché un brelan (88-TT). Et complètement à la ramasse si on a AQ ou AK, entre 17 et 25% d’équité.

La situation est évidemment encore moins favorable si le relanceur initial est du genre serré. Mis à part les cas où nous aurons AA (toujours en coinflip), nos paires, même si supérieures au flop (JJ, QQ et KK) se retrouvent avec entre 34 et 38% d’équité. Inutile de parler de nos AQ et AK

Dès qu’on se met dans la situation du joueur qui a surelancé et fait face à une relance de sa mise de continuation, on comprend mieux à quel point la relance au flop bouleverse la situation. Que l’on se retrouve contre un joueur large ou serré, la situation vire au cauchemar même avec une main comme QQ quand on fait face à une relance sur un flop 8910.

Prenez du recul pour voir le tableau dans son ensemble

J’ai déjà eu l’occasion de discuter dans mes chroniques des situations way ahead/way behind (largement devant ou largement derrière). Sans être réellement une situation de ce type, cette main y ressemble beaucoup sur certains points. Plus vous allez mettre d’argent rapidement dans le pot, plus vous allez jouer contre une range qui vous est défavorable. Et ce, que vous soyez le relanceur initial ou le surelanceur.

Si vous ne vous intéressez qu’à votre main, vous allez passer à côté de la complexité de la situation. Et vous vous retrouverez généralement à risquer votre tapis dans une situation extrêmement défavorable… sans même vous en rendre compte.

Raisonner en termes de hand ranges permet de mieux percevoir la réalité de la situation : vous êtes peut-être devant mais, si les choses s’emballent, vous serez certainement derrière.

Comment, du coup, jouer ce flop ?

Une première solution, si vous êtes le relanceur initial avec JJ, est de considérer que vous avez joué cette main en setmining (on «chasse» le brelan). Et n’avez pas trouvé le brelan espéré. Certes, votre adversaire va parfois vous bluffer avec AK mais cela suppose qu’il décide de miser un flop extrêmement mauvais avec son As.

Il faut beaucoup de discipline pour coucher JJ sur 8910. Mais c’est une des conditions nécessaires pour jouer en setmining : être extrêmement discipliné quand on ne touche pas. Contre un adversaire serré, qui va surelancer un éventail de mains très limité (et plus encore quand le relanceur initial est en premier de parole), décider d’abandonner au flop sera généralement une bonne option.

Payer le flop pour réévaluer la situation au turn est aussi une option envisageable, notamment si votre adversaire est du genre à systématiquement faire une mise de continuation. Il est extrêmement douteux qu’il mise une seconde fois avec AK ou AQ. Si votre adversaire a une main comme QQ, miser le turn sera extrêmement difficile pour lui. De fait, même en admettant que vous ayez payé préflop et flop avec de nombreuses mains spéculatives, comme KJ, cela implique que vous ayez aussi dans votre range de nombreuses mains qui le dominent. Vous avez pu jouer prudemment des doubles paires (89,910) ou des overpairs (KK par exemple), ou que vous cherchiez à piéger avec des brelans ou des quintes. Pour une main comme QQ ou KK, il est quasiment impossible d’imaginer avoir plus de 40% d’équité si une mise au turn est payée.

Il est donc possible de payer le flop en espérant que l’action ne se développe pas plus loin. Notre main dispose tout de même d’une assez bonne valeur et dispose de quelques cartes pour prendre l’avantage. Il faudra évidemment abandonner au turn si notre adversaire poursuit son agression et qu’on améliore pas (brelan ou overpair légèrement surjouée). Mais si celui-ci est légèrement craintif, ou au moins attentif, on peut espérer voir la river gratuitement (ou devoir payer un prix acceptable, certains joueurs ayant tendance à poursuivre l’agression mais pour un faible montant qui traduit leurs craintes).

On peut éventuellement décider de transformer notre main en bluff au turn, notamment quand notre adversaire va choisir de miser une seconde fois mais pour un montant assez faible. Ça n’est toutefois pas une option que je recommanderais si vous jouez des tables à faibles enchères où il est très peu probable que vous fassiez jamais se coucher une main comme QQ. Les chances d’y arriver sont certes un peu supérieures à celles que vous aviez au flop (probablement nulles). Mais elles resteront en général insuffisantes pour rendre le bluff rentable. Autant prendre le « message » envoyé par votre adversaire pour argent comptant : il a QQ+ ou un set qu’il valorise/protège mal.

Que faire si vous êtes le surelanceur ?

La question est aussi intéressante si on inverse les rôles.

Que faire avec AQ+ si vous êtes le surelanceur ? Ici, je dirais que le plus simple est généralement le mieux. Le flop est horrible pour votre main. Il « touche » par contre énormément de la range de votre adversaire. Inutile de s’enfoncer plus avant dans cette main. Si votre adversaire est du genre passif, il va généralement checker à son tour une bonne partie de sa range comme ses petites paires et ses AJ/AQ. S’il est agressif, laissez-le vous «voler» ce pot : même si sa range de bluff peut être large, sa range «légitime» pour miser vous est clairement trop défavorable.

C’est évidemment plus intéressant si vous avez une grosse paire (QQ+). Comme on l’a vu, si notre mise de continuation se heurte à une relance, notre équité va s’effondrer même contre un joueur large et agressif. Malheureusement, entre la surelance préflop et notre mise au flop, il y aura généralement trop d’argent dans le pot pour abandonner notre overpair (surtout si on considère la possibilité d’un bluff ou semi-bluff à tirage.

Même si notre adversaire se contente de payer au flop, il va falloir réévaluer notre équité à la baisse (il sera difficile d’espérer avoir plus de 40% même sur un 2 au turn). Au final, il va rarement être de notre intérêt de mettre beaucoup d’argent dans le pot.

Si votre mise ne peut faire face à une relance, ou si cette relance vous oblige à jouer une situation défavorable sous prétexte que le pot est trop gros, alors la mise de départ était probablement une mauvaise idée.

Réfléchir en ranges : délicat mais indispensable

Bien sûr, votre lecture de l’adversaire, la compréhension de son jeu, de ses tendances, va jouer un rôle majeur dans votre décision quant à la stratégie à adopter. Et vous allez parfois vous tromper. Mais ce n’est pas bien grave. Si vous avez correctement analysé la situation, si vous avez pesé le pour et le contre en fonction des mains que pouvait avoir votre adversaire (hand range), alors vous avez pris une décision réfléchi. Et l’erreur sera toujours moins grande que si vous vous étiez contenté de regarder votre main.

Un obstacle de taille : le temps disponible.

Impossible, évidemment, en 15 ou 30s, de procéder à tous les calculs nécessaires. Mais c’est là que le travail théorique, hors table, fera la différence. Le joueur occasionnel devra se contenter d’une réflexion brute. Mais, si vous êtes plus de ceux qui cherchent à améliorer leur jeu, à progresser, alors je vous recommande de vous entraîner en analysant, après coup, vos parties.

Au lieu de regarder rapidement les mains jouées, arrêtez-vous sur une ou deux mains plus «dramatiques». Essayez d’attribuer à chaque joueur une hand range. Réfléchissez à comment ces ranges évoluent au fur et à mesure que l’action se développe.

L’important, avec ce genre d’exercice, est de le faire régulièrement. D’habituer votre cerveau à un mode de réflexion pour lequel il n’est pas, naturellement, très doué. Cela demande quelques efforts. Mais qui en valent largement la peine…

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